Ratiocination

Guadeloupe, Mai 2005

Dix choses à ne pas faire en tête à tête avec une fille :

  1. Poser votre mobile en évidence sur la table en arrivant. Il est mieux dans votre poche, vous pourrez vous passer de l’heure ce soir et vos amis rappelleront.
  2. S’étirer toutes les trois secondes, et ponctuer le reste du temps de bâillements. On s’en fout que vous n’ayez pas fermé l’œil la nuit d’avant.
  3. Dire que non merci vous n’avez pas faim, vous allez juste reprendre un verre, alors qu’elle commande son deuxième plat. Faites au moins semblant d’ignorer vos crampes d’estomac et commandez une soupe.
  4. Se ronger les ongles. Souvenez-vous, vous n’avez pas faim, vous êtes détendu, et vous buvez ses paroles. Laissez donc la kératine aux chimistes.
  5. Déclarer “je suis athée” d’un air blasé et entendu quand elle essaie de vous expliquer combien la religion est un fondement de son identité nationale et personnelle. Autant lui jeter à la figure que vous la méprisez.
  6. Oublier de lui poser des questions en retour des siennes. Surtout si votre réponse était décousue, inintelligible, et merveilleusement ennuyeuse. Un long silence embarrassé devrait vous mettre la puce à l’oreille.
  7. Se moquer d’elle à plusieurs reprises parce que c’est quand même fou de ne pas parler français quand on a appris l’espagnol, le portugais et l’italien. Même gentiment dit, c’est idiot. Alors si en plus vous ne parlez pas un traitre mot de sa langue natale…
  8. Avouer qu’il vous est pénible de rester trois heures à table. Au bout de deux heures trente. À table. Même si vous vouliez parler des réunions de famille mortelles pendant lesquels votre oncle Roger fait des blagues racistes et votre tante Claudette vous explique que les gothiques sont de dangereux psychopathes.
  9. Disserter sur la crise économique vue sous l’angle des constructeurs automobiles. Le propre d’une crise, c’est qu’on en parle déjà trop le reste du temps. Et les bagnoles n’ont jamais été un sujet de discussion, tout au plus un moyen de locomotion.
  10. Passer plus de temps à contempler la pluie qui tombe dehors qu’à la regarder elle.