À Berlin, on trouve plein de gens qui viennent écouter de l'électro minimaliste. Au début, tu te demandes un peu de quoi il retourne, quand bien même t'es pas super fan d'électro. Ou de minimalisme. On t'explique que c'est la quintessence même de la party berlinoise, que les clubs de la ville sont à la pointe de la mouvance, et que les labels locaux s'exportent aux quatre coins du monde. Ça te fait une belle jambe.
Un jour, tu rentres dans un bar qu'on décrit comme typique. Bordélique, avec un mobilier systématiquement dépareillé, parfois un peu défoncé, et une absence notoire de lumière vive. À midi comme à minuit, tu ne vois pas beaucoup plus loin que le bout de ton verre. Une platine trône quelque part dans la pièce, encadrée par une paire d'enceintes hors de proportion. Régulièrement, quelqu'un vient mixer ; on ne sait pas trop si c'est un client régulier, une des barmaids qui veut se changer les esprits, ou Anja Schneider qui passait par là.
La musique est un peu forte, et t'as rarement entendu un son comme celui-là à la radio. C'est un peu lent, tu ne te vois vraiment pas danser là dessus et t'as un peu du mal à comprendre pourquoi on viendrait à Berlin pour écouter un truc pareil. À blanc, à la rigueur, ça te tape un peu sur les nerfs. Tu commandes un cocktail quand même, à ce prix là ils pourraient passer Tokio Hotel que ça ne changerait rien à ta détermination. Tu te vautres dans un canapé éventré en écoutant les glaçons rebondir sur les parois des shakers.
Malgré le volume sonore, on s'entend bien. Et cette lumière à peine suffisante rapproche un peu les gens. Lentement, tu t'imprègnes de l'ambiance des lieux. Les tramways passent régulièrement pas très loin et complètent le paysage auditif. Tu commandes un autre verre, un truc improbable comme une Berliner Weiße ou un Daiquiri fraise. L'alcool t'étourdit un peu, tu commences à discuter sans trop faire attention à ta grammaire, et à oublier les trucs hyper importants qui t'obsédaient il y a encore quelques minutes. Et c'est tant mieux au final, on s'en fout un peu que Vodka soit féminin, masculin ou neutre, l'important c'est qu'elle soit frappée.
La musique ricoche sur les murs au milieu des rires et des discussions. T'es pas mal au final, dans ce bar bizarre, et tu t'imagines déjà en faire une extension de ton salon. Et puis l'avantage c'est que tu ne seras jamais en rade de Kalhua. Le minimalisme a peu à peu pris tout son sens ; il s'est insinué tranquillement, bien présent mais pas envahissant.
Contre toute attente, il t'a même apaisé.