Anachorétisme

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Tu as l’air un peu triste. Ça ne te va pas au teint, tu devrais porter un sourire. Je sais bien, c’est pas facile d’être parfaitement heureuse quand on accompagne un couple d’amis pour le réveillon et qu’ils dansent sur shiny happy people. Mais regarde le bon côté des choses… un peu plus à gauche… voilà, exactement. Bon en revanche il faut que j’arrête de te dévisager sans rien dire ou ça va devenir bizarre très bientôt.

Happy happy put it in your heart!

Cette petite moue encore. Craquante. Monsieur sauvage, cessez de la dévorer des yeux comme ça, elle va finir par vous prendre pour un dangereux malade

- Möchtest du tanzen?

Bien sûr que je veux danser. Toute la nuit même, pour chasser ce froid qui ne part pas. Mais ça ne va pas être simple maintenant que je suis tétanisé. Je vais te répondre, je le jure, un truc gentil pour te redonner le sourire. Mais déjà je pourrais acquiescer, ça serait un bon début. Comment on dit oui en allemand déjà ?

- Excuse me, I don’t speak German

T’aurais pu lever les yeux au ciel et lui tourner le dos aussi, ç’aurait été la grande classe.

Elle m’attrape les deux mains et répète en anglais. Je ne suis pas sûr de bien comprendre, on vient de m’amputer du cerveau et mon double inconscient regarde la scène de loin, incrédule. Sourire, danse un peu raide. Elle a les mains froides, c’est agréable.

- Let’s go somewhere else! I hate R.E.M.

Ça a le mérite d’être direct. En même temps il reste plein d’autres groupes sur terre.

Changement d’ambiance, cinq salles en trois minutes. Dehors les gens font du head banging sous la neige, sur un morceau de Rage Against The Machine.

- So what do you do? Do you like the music? Sprichst du wirklich kein Deutsch?

Je ne sais pas ce que je fais, vraiment, mais s’il te plait ne fuis pas. Je suis mutique, je sais – c’est compliqué. Je te promets de ne pas te raconter, et on va détourner les yeux de nos cicatrices. T’es jolie comme un coeur, je me demande à quoi ressemble ton histoire. Tes amis se moquent de moi gentiment. En même temps de quoi j’ai l’air ? D’un collégien maladroit, sûrement…

Le DJ enchaine, Put your hands up in the air. Elle ne semble pas tout à fait d’accord et dirige les miennes.

C’est agréable. Ça me manque. Et tu es très attirante. C’est juste que… imagine, j’ai déjà du mal à faire la bise à mes amies pour leur dire bonjour. Enfin t’en as pas grand chose à faire de tout ça. Et puis j’ai dit que je ne te raconterais pas ma vie en plus. Tes cheveux sentent bon…

Trois heures plus tard, elle chipe mon téléphone, compose son numéro, s’appelle, me rappelle et disparaît au coin de la rue.

Commentaires

1. Le lundi, janvier 5 2009, 02:54 par Klaims

J’aime beaucoup la façon dont tu racontes ça. Vraiment.

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