avril 2009

dimanche, avril 12 2009

1000

Berlin, Avr. 2009

Listen to the tales and romanticize,
How we’d follow the path of the hero.

Tout a commencé ici, il y a mille jours exactement.

Il est 8h15, on est au beau milieu de l’été et au tout début d’autre chose. Deux mois plus tôt, je laissais derrière moi mon travail, mes étudiants, et un sacré paquet de galères. Si on m’avait dit alors que j’allais me retrouver à Berlin aujourd’hui, j’aurais probablement répondu quelque chose comme : « Dans deux mois ? Tu déconnes, c’est pas réaliste. »

Et ça ne l’était presque pas, mais c’est arrivé malgré tout. Pourquoi ? pourquoi ici, pourquoi maintenant ?

La réponse s’impose d’elle même : pour changer, essayer, fuir, respirer. Apprendre enfin cette langue. Refaire de la sécurité, se lancer des défis. Et ça, ça ne va pas manquer ; dans moins de deux semaines, il faut que j’aie un appartement, un compte en banque, une carte de train, un frigo et un minimum de meubles. En attendant, je décrasse mon anglais, ce qui me vaut de me coucher à neuf heures tous les soirs, crevé et avec un joli mal de crâne.

Mais j’ai aussi un putain de sourire scotché à la tronche et des paillettes dans les yeux. Cette ville, avec ses rues gigantesques, ses cafés omniprésents et presque gratuits et ses parcs verdoyants remplis de gens à poil, a un truc magique.

I jump from every rooftop
So high so far to fall
I feel a million miles away
I don’t feel any thing at all

C’est ici aussi que tout a terminé.

Il est 18h15, l’été touche à sa fin et il entraîne le reste avec lui. Il y a deux ans je laissais derrière moi mes amis, ma famille, ma ville et une certaine idée de la gastronomie. Si on m’avait dit alors à quel point tout ça allait me manquer, j’aurais probablement répondu quelque chose du style : « les amis me manqueront sûrement. Pour le reste, ça m’étonnerait. »

Ça m’étonne encore. Et toujours cette question : pourquoi, pourquoi là, pourquoi maintenant ? Tout allait tellement bien.

Pas si bien que ça, naturellement. Mais c’est toujours effrayant, le changement. Et puis j’en ai bouffé une triple dose déjà, je me reposerais bien un peu. Au lieu de ça, me voilà avec de nouveaux défis. J’ai l’impression d’avoir raté un ou deux trains et je fusionne avec mes meubles. Surtout mon lit, alors qu’ironiquement j’ai perdu le sommeil. Je me coltine un bon gros mal-être tenace, je suis complètement perdu dans cette ville avec ses grandes rues vides, ses cafés délayés et cette langue qui ne rentre pas.

Spark becomes a flame
Flame becomes a fire
Light the way or warm this
Hope we occupy

Il est 7h17, le printemps s’est installé. Chaque matin les arbres ont un peu plus de feuilles, ma rue se colore de toutes les teintes possibles de vert. Petit à petit, le chaos de l’hiver s’évanouit, le froid s’estompe, la vie reprend son cours.

C’est ici, comme ça, que tout recommence.

samedi, avril 11 2009

999

Berlin, Fév. 2009

Les journées s’étirent, et avec elles l’ennui, l’angoisse et l’attente.
Mais la nuit finit toujours par tomber. Patience.

Il n’y a pas grand chose qu’il aime d’avantage que de tailler son chemin dans la pénombre rassurante des rues désertes. Il réfléchit à toute allure, pense, projette, écrit, créé. Ferme les yeux, juste un peu, sourit. Les chansons martèlent leur rythme dans son casque, s’enfoncent dans son crâne, lui serrent le ventre et lui dictent son allure.

Au détour d’une ruelle, il murmure ses peurs aux ténèbres et souffle ses espoirs aux trottoirs. Débouche sur une avenue et s’imagine la ville comme une entité humaine ; observe ses artères charrier des globules, rouges, blancs, à contre-sens les uns des autres. Dans ces moments là, la réalité n’a aucune importance. La probabilité tend méchamment vers 1, quelque soit l’hypothèse.

C’est toujours là qu’il commence à leur parler. Elles ont souvent un visage. Parfois un prénom. Il tisse la toile de leurs vies futures sur le canevas des étoiles, leur avoue ses secrets les mieux gardés. Elles sont belles, contradictoires et inaccessibles. Ce joli capharnaüm vire systématiquement en tour de Babel : on y rit, on y joue, on y jouit, en français, en anglais, en allemand, en Europe et en silence.

Les boulevards l’appellent de nouveau, et il y crie sa rage muette. Il s’arrange toujours pour se perdre du côté du fleuve, pour y remonter le courant. L’irrationel s’effrite alors et l’infini approche dangereusement du zéro absolu.

Il y a peu de choses qui l’effraient autant que l’obscurité sourde de l’asphalte. Ses idées s’y fracassent et ses certitudes se fissurent une à une. Il ferme les yeux et laisse la musique l’envahir.

Les jours s’étirent, et avec eux l’attente, l’angoisse, l’envie.
La nuit finit toujours par tomber, douloureusement.
En attendant, il rêve.