Khao Sok 20

Surat Thani, Thailande, octobre 2009

Réveil à 5 heures par le contrôleur, qui nous apporte un jus d'orange sucré. Suivi d'un petit déjeuner complet, qu'on prend à la sauvage sur la table de P. et L. Le jour se lève et on prend le frais par la fenêtre entre-ouverte. Il me faut bien cinq minutes avant que mon cerveau ne percute, mais je finis par me jeter sur mon appareil photo pour aller immortaliser le décor de rêve qui défile. Les portes du train sont toujours ouvertes, je m'asseois sur la margelle pour embrasser le plus possible le paysage. Une petite voix me traite de fou dangereux, mais tout est tellement parfait...

On arrive à Surat Thani à l'heure. Mathilde, une expatriée française qui organise notre séjour dans la jungle, nous a lancé un défi : trouver le bon autocar, et arriver au point de rendez-vous sans accroc. À la gare, on a encore une fois du mal à passer inaperçus avec nos gros sacs et nos têtes de farangs, et on se fait démarcher par tous les Thais qu'on croise - ils nous proposent tous la même chose : nous emmener au bon endroit pour quelques centaines de bahts. Mais on est têtus et on file droit vers l'arrêt de bus. Une fois qu'on est à peu près sûrs de notre coup on se présente au conducteur, qui vire deux moines pour nous permettre de monter. En vérité, on ne sait pas bien si on va où il faut ni si on va arriver à se faire comprendre, mais on est en route et il est trop tard pour changer d'avis.

Par je ne sais quel miracle, on nous signale notre arrêt et on arrive à l'heure dans un patelin au milieu de nulle part, coupé par la route et groupé autour d'un 7-eleven et d'un petit marché frais. En attendant Mathilde et Nopporn, notre guide, je vais acheter quelques boissons énergétiques pour tenter de rester éveillé. Quand ils arrivent, Mathilde nous offre des pâtisseries à base de coco et de banane qu'elle vient d'acheter sur le marché. Les autres font les présentations pendant que je zone dans un état second, et on saute dans le pick-up direction le parc national de Khao Sok.

Khao Sok, Thailande, octobre 2009

On change alors de moyen de transport pour traverser le lac. Au moment de monter dans le long-tail boat, je manque de le faire chavirer et je sauve mon sac de la noyade de justesse. Il est désormais évident que j'ai un putain de pied marin. On embarque une famille Thai avec nous, et on se dit que tiens, on n'est pas les seuls touristes. Deux heures et demie plus tard, on en a pris plein la vue. Ceux dont la peau y arrive encore ont entretenu leur bronzage, les autres ont vidé leur tube de crème solaire. Et on se rend compte qu'en définitive, la famille qui nous a accompagnés va être à nos petits soins pendant 5 jours. Notre demeure sur le lac est constituée de maisons flottantes dont une partie est maintenant sous l'eau, le niveau étant inhabituellement haut. Des ouvriers sont en train de clouer une terrasse de fortune pour nous, et se lanceront ensuite dans la restauration complète des lieux. En attendant, le silence est impressionnant et la jungle nous appelle déjà. Pour patienter, P., L. et F. piquent une tête dans le lac.

Quant à moi, je vais me changer d'abord. Je passe sur la terre ferme en empruntant un passage fait de planches en bois vaguement clouées les unes aux autres. L'eau est claire et fourmille de jolis poissons colorés. J'accélère un peu le pas, les poissons c'est pas trop mon truc. J'enfile rapidement mon maillot de bain et, mes fringues sous le bras, je retourne sur la raft-house par le même chemin. À mi-parcours, une planche cède sous mes pas et je me retrouve à battre furieusement des pieds pour garder ma tête, mes fringues et mon téléphone portable hors de l'eau. Je me dis que j'ai vraiment dû trop manger, et aussi que j'ai un super mauvais karma. Je devrais nourrir plus les poissons, mais je vais éviter de donner de ma personne directement quand même. Je regagne les planches, et Nopporn s'approche, un peu inquiet. Tout va bien, je me suis juste ouvert un peu le pied mais j'ai sauvé ce qui devait l'être. Il me désinfecte et me met un pansement, avant de gentiment se foutre de ma gueule.

- C'est la deuxième fois que tu fais un truc clumsy aujourd'hui. Je vais t'appeler Feufah.
- Mais! C'est pas de ma faute là, le truc a lâché sous moi !
- Feufah, en Thai, ça veut dire maladroit. Il en faut toujours un dans le groupe, et maintenant, c'est toi. Hé hé.
- Feufah ! Feufah ! - les autres sont sortis de l'eau et valident instantanément ce nouveau sobriquet.

Khao Sok, Thailande, octobre 2009

Pour le déjeuner, notre famille d'accueil nous a préparé un en-cas copieux, mais n'a mis aucun piment. Nopporn s'approche avec son plat et commence à nous en décrire le contenu. F. le regarde, lui demande si c'est du nam prik, et il écarquille les yeux. Quand P. et F. lui expliquent qu'ils cuisinent et qu'ils aiment beaucoup la nourriture Thai, il nous propose de goûter ; on se jette dessus comme des crevards, c'est délicieux. Nopporn n'a pas l'air d'en croire ses yeux et appelle les autres, qui se plantent derrière nous et commencent à discuter entre eux. Il est ensuite convenu qu'à partir de maintenant, on mangera comme eux ; visiblement ils sont impressionnés. Soit ils jouent tous très bien la comédie, soit on risque de morfler ce soir au dîner. Peut-être un peu des deux.

On fait une petite sieste là-dessus, pendant laquelle je me fais bouffer par une bête. Vu les piqûres, on dirait une araignée. Je passe ça sous silence dans l'espoir vain que tout le monde aura oublié mon nouveau surnom, mais en sortant de la case les ouvriers préviennent Nopporn que Feufah est réveillé. Non que je parle Thai hein, mais il y a des choses comme ça qu'on comprend sans avoir besoin des mots. On reprend le bateau pour faire une balade sur le lac, voir quelques singes faire des galipettes et le soleil se coucher. Impression décidément tenace d'être au paradis.

Au dîner, on mange un poisson fraîchement pêché dans le lac et délicieusement grillé. Le tout accompagné d'une petite sauce au piment toute bête, dont je note la recette. Nopporn nous demande si on veut plutôt passer deux ou trois jours dans la jungle, et après une concertation éclair, on opte pour trois. Couchés au dessus de l'eau à regarder les étoiles, on discute un peu avant de céder à la fatigue.