Khao Sok 22

Khao Sok, Thaïlande, octobre 2009

Au réveil, tout va un peu mieux ; la tente a résisté aux attaques des mini-monstres suceurs de sang, la pluie n'est qu'un mauvais souvenir, et il y a du café et des tartines grillées. On décide malgré tout de rentrer doucement vers la raft-house, en prenant le temps de regarder la jungle qu'on a traversée le jour d'avant en fixant nos pieds. On est d'autant meilleure humeur que les sangsues semblent avoir quasiment disparu de la surface de la terre ; quand on en voit une, on se fout de sa gueule et on la crâme au briquet par pur sadisme.

On s'arrête près d'un large bras de rivière pour déjeuner, et on en profite pour paresser au soleil, se baigner et se laver un peu. Nopporn nous sort le grand jeu et fait le pitre une fois de plus. On rit de bon coeur. Le chasseur-cueilleur hawaïen nous a préparé des nouilles lyophilisées et ça nous semble le summum du raffinement, accompagné d'un peu de curry de fougère. Un observateur neutre penserait probablement qu'on est sous l'influence d'une drogue euphorisante.

Khao Sok, Thaïlande, octobre 2009

De retour sur la raft house on nous annonce qu'un poisson-chat géant du Mékong a été péché pendant notre absence. On demande une définition de géant, et on n'est pas déçus : ce n'est pas un poisson, c'est un monstre. On s'interroge sur la légalité d'une telle prise dans une réserve naturelle protégée, mais ça n'a l'air d'inquiéter que nous. Du coup, on repasse en mode touriste et on se dore la pilule sur les planches nouvellement posées de la désormais confortable terrasse .

En fin d'après midi, on reprend le bateau dans l'espoir d'apercevoir les gibbons moqueurs qu'on entend depuis le début du séjour. On verra des tas d'oiseaux, des singes pas franchement effrayés et des poissons multicolores. On se gavera les yeux avec le paysage, essayant d'imaginer la dense végétation sous l'eau, qui reprendra ses droits d'ici quelques semaines après la décrue et dont on ne voit que la cime des arbres qui dépasse. Et on usera nos pellicules virtuelles sur le coucher de soleil, qui à lui seul mérite un séjour ici. Mais on ne verra aucun gibbon.

Khao Sok, Thaïlande, octobre 2009

Après le dîner, Nopporn a demandé à la vieille femme qui nous a accompagnés avec la famille de nous raconter son histoire. Mais finalement c'est lui qui nous raconte un bout de sa vie, et on découvre qu'il a créé plusieurs entreprises et brassé des sommes astronomiques (en bahts, ce qui relativise un peu). C'est un peu dramatique de l'entendre ainsi nous expliquer qu'il s'est fait plumer à chaque fois, mais il y met tellement de sourires et de bonne humeur qu'on se marre avec lui. On lui raconte alors un peu nos métiers à nous, la vie en Europe - autant de choses qu'il a déjà dû entendre cent fois mais auxquelles il prête une attention sincère.

Une légère brume se lève sur le lac et d'invisibles macaques gloussent dans la nuit. On souffle doucement sur nos cafés en souhaitant que le temps ralentisse un peu. On est bien là.