juillet 2012

mercredi, juillet 18 2012

Musiques déchronologiques

L'étoile du Roy, port de Brest, juillet 2012

Il y a des livres dont l’ambiance est aussi importante que l’histoire, et dont vous aimeriez écouter la bande son pendant la lecture. Certains auteurs vous donnent des pistes, d’autres vous fournissent carrément une playlist détaillée. C’est un peu ce qu’a fait Stéphane Beauverger dans Le Déchronologue, en introduisant chacun des chapitres avec les paroles d’une chanson.

Une fois sorti du bouquin, j’ai eu envie d’aller un peu plus loin que ces petits bouts de phrases pour me replonger dans l’univers du récit. Beaucoup des chansons m’étaient parfaitement inconnues, et je me demandais si réellement mélanger Sigur Ros, Tom Wait, Killing Joke et du folk irlandais avait un quelconque intérêt. Je vous laisserai arriver à votre propre conclusion à l’issue des dix titres que j’ai sélectionnés.

Mais parlons brièvement du Déchronologue, même si d’autres l’ont déjà critiqué beaucoup mieux que je ne le ferai. Ça se passe en plein XVIIe siècle, principalement dans les caraïbes et le golfe du Mexique, et on y suit Henri Villon et son équipage de pirates à la recherche de trésors étranges. Mais de nombreuses failles temporelles viennent compliquer l’ensemble, et nos pirates deviennent vite des guerriers de l’uchronie, armés de minutes, de secondes et d’une batterie de canons à temps pour renvoyer les intrus dans leur époque.

L’histoire telle qu’elle est présentée fait des bonds dans le temps, ce qui la rend assez complexe à appréhender. J’avoue avoir poussé quelques soupirs de découragement, et ne pas avoir su - arrivé à la moitié du livre - si j’étais emballé ou ennuyé par cette construction. Mais beaucoup de mes hésitations d’alors méritent probablement d’être balayées, vu le souvenir que je garde de ce monde et de ses personnages.

Le Déchronologue est sorti chez la Volte en 2009 et en poche chez Folio SF en 2011. Si vous aimez les uchronies, les histoires de pirates et les bateaux, il est fait pour vous.

PIL#145 Musiques déchronologiques

mercredi, juillet 11 2012

Black, White and a Touch of Blues

Skyline de Francfort à contre-jour, juillet 2012

S’il y a un genre musical qui résiste à mes assauts répétés pour l’amadouer, c’est le Blues. De longues heures à rouler de la Nouvelle Orléans à Memphis en écoutant Robert Johnson n’auront vraiment pas suffi à me faire assimiler les bases, ni accepter la rigueur de la guitare comme (quasi) seul instrument. Mais à en juger par l’influence du genre sur les musiciens, je m’y prends sûrement mal.

Les Black Keys, que vous avez déjà pu écouter au moins quatre fois si vous suivez mes playlists, puisent pas mal dans le registre du Blues. Et dans le garage rock, mais n’allons pas plus vite que leur musique. Si j’en juge par leur influence sur les groupes produits ces dix dernières années, je ne suis pas le seul à me prendre des baffes à chacun de leurs nouveaux albums. Je mets leur duo (Dan Auerbach/Patrick Carney) à peu près au même niveau que Josh Homme, Dave Grohl, Trent Reznor et Maynard Keenan - ce qui nous fait un sacré podium. Tous ont en commun une véritable passion pour la musique, et s’ouvrent volontiers à des genres a priori très loin du leur.

Fin 2009 par exemple, les Black Keys commencent à enregistrer avec le rappeur Jim Jones, pour voir. Au milieu de l’enregistrement, Mos Def débarque dans le studio et trouve ça chouette. Il rejoint donc le projet. Au final un album prend forme, avec la participation de RZA (du Wu-Tang Clan), de Nicole Wray, Ludacris et Q-Tip notamment. Ça s’appellera Blakroc, et ça me donnera quelques frissons.

À côté de ça, ils restent très attachés au Blues et s’impliquent pour faire connaître de nouveaux groupes. Après un des concerts de Radio Moscow dans le Colorado, par exemple, Dan Auerback va voir le groupe, chope leur démo et les met en contact avec leur futur label. Quatre albums plus tard on est bien content du résultat. Dans la même veine, les Black Keys vont produire les Black Diamond Heavies. Patrick Carney aime tellement ça qu’il joue sur quelques morceaux de leur album.

Quand le leader des Black Diamond Heavies - John Wesley Myers - décide de sortir un album, il est produit par Jim Diamond. Solitary Pleasure sort en 2011, et on y sent là encore la nette influence du Blues, tout en tendant davantage vers le Garage Rock. Sans surprise d’ailleurs, puisque Jim Diamond est aussi celui qui a produit les deux premiers albums des White Stripes qui ont contribué à faire renaître le genre.

Un peu plus loin, le groupe anglais 22-20s part aussi du Blues mais aura un véritable déclic en écoutant les White Stripes, justement. Et, suivant un chemin similaire, les Greenhornes contribueront également au revival du Garage rock. Deux des membres rejoindront ensuite Jack White (des White Stripes, donc) pour former les Raconteurs - le monde est décidément petit.

Mais tout n’est pas qu’une histoire d’amitiés ou d’influences. Les Band of Skulls par exemple, se débrouillent très bien pour revivifier le Garage rock en y insérant, eux aussi, de petites touches de Blues. Ils ont certes fait la première partie des Dead Weather (Jack White, toujours), mais le rapprochement s’arrête là. D’autres encore s’en tiennent à un seul style et assument, me faisant presque mentir quand je dis ne pas réussir à apprécier le Blues: Black Joe Lewis et Left Lane Cruiser s’y engouffrent franchement, et c’est plaisant.

Comme souvent en musique donc, tout n’est pas noir ou blanc. Je termine avec The Heavy, qui n’ont rien à voir avec le blues et qui sont signés chez Ninja Tunes, un de mes labels préférés. Aucun lien donc, et pourtant la chanson qui commence cette playlist aurait toute sa place sur un album des Black Keys.

PIL#144 Black, White and a Touch of Blues

mercredi, juillet 4 2012

A Quarter-Century Old

Boutique d'antiquités, Francfort, Allemagne, juillet 2012

1987. On venait de se taper 36 semaines de Bêtises au top 50, 30 semaines de Démons de minuit, 29 d’Ouragan, et on enchainait sur Ève lève-toi, à Pile ou face et C’est la ouate. Autant dire qu’on n’était pas forcément dans une démarche qualitative.

Pendant ce temps là en Californie, les Red Hot Chili Peppers sortaient leur troisième album The Uplift Mofo Party Plan, mélangeant rock, funk, rap, punk, cocaine et héroine. Les deux derniers ingrédients tueront Hillel Slovak, leur guitariste, et plongeront leur batteur Jack Irons dans une interminable dépression.

À New York, Sonic Youth exploraient de nouveaux horizons sonores sur leur quatrième album, Sister - une référence discrète à la soeur jumelle “fantôme” de Philip K. Dick, morte à six semaines et ayant lourdement influencé son écriture. Sur ce disque sorti chez un petit label indé (SST), le son de Sonic Youth est déjà bien en place, jouant à fond sur la saturation et les ambiances sonores un peu “sales”.

Un peu plus au nord à Boston, les Pixies sortaient Come On Pilgrim, leur premier EP, sur le label indé anglais 4AD. En 1999, six ans après leur séparation, la bande son de Fight Club fera connaitre le groupe à tout le monde. Et c’est amusant au fond, tellement la relation malsaine entre Tyler Durden et Marla Singer dans le film pourrait faire figure de métaphore pour décrire les interactions entre le chanteur Franck Black et la bassiste Kim Deal. En attendant, en 1987 les Pixies galéraient chez eux, aux États-Unis, mais l’album cartonnait en Grande Bretagne (29 semaines au classement).

En Grande Bretagne justement, New Order, le groupe formé par les membres de Joy Division après le suicide de Ian Curtis, venaient de compiler et remixer leurs singles - dont Ceremony, sorti en 1981. Un an plus tard, en 1988, ils remixeront Blue Monday. Plus de vingt ans plus tard, j’irai demander au DJ d’une soirée le nom de cette chanson de guedin, ni Shazam ni Soundhound n’étant disponibles sur mon Nokia 3220.

Franchement plus loin, en Australie, INXS en était à son sixième album, Kick, blindé de titres qui occuperont nos oreilles pendant un moment. Je l’entendrai pour la première fois un peu plus tard, par l’intermédiaire de mes correspondantes anglaises qui étaient toutes ouvertement amoureuses du chanteur Michael Hutchence. Et fans de Take That, ce qui des années plus tard m’échappe encore.

À Athènes maintenant, en Georgie (aux États-Unis donc. Ttt, je vous ai vu tiquer :) ), R.E.M. tient son premier vrai single avec The One I Love, sur le cinquième album Document. Le texte est ambigü à souhait, mais le sarcasme semble passer inappercu auprès des nombreux couples qui en feront leur chanson d’amour préférée.

Retour à Manchester, pas très loin des quartiers de New Order, où les Smiths viennent de se séparer. Juste avant la sortie de leur quatrième et dernier album, ironiquement nommé Strangeways, Here We Come. Des années plus tard on s’ennuiera en écoutant Morrissey parce que c’est tellement hip. Mais à l’époque, le style musical du groupe provoque une petite révolution dans le rock alternatif.

On finit là où on a commencé, avec un triptyque californien. À Los Angeles avec les Guns n’ Roses d’abord, avant leur grande période Hard Rock FM. Ils sortent en 87 leur tout premier album, et ils galèrent franchement. Après une intervention de David Geffen (le monsieur derrière le label du même nom), ils seront programmés à 4 heures du matin sur MTV et contre toute attente, ca va cartonner.

Avec Faith No More ensuite, débarqué de San Francisco avec leur deuxième album Introduce Yourself. On est encore dans l’ère pré Mike Patton, certains diront que ca manque un peu de génie. Il n’empêche l’énergie est déjà là et la basse est déjà obsédante. Chuck Mosley partira juste après, et les francais qui critiquent encore la justesse de son chant devraient ré-écouter Sabine Paturel. En boucle.

Et avec Jane’s Addiction, enfin - et Los Angeles, une fois de plus. Le groupe enchaine les concerts avant même d’avoir enregistré un album, et a déjà une grosse base de fans au moment de signer avec un label. Leur premier disque sera enregistré en live, histoire de bien mettre en avant leur énergie.

1987 donc. On était en pleine crise musicale en France et nos radios balancaient de la soupe en continu. Il nous manquait quoi au fond, pour pouvoir soulager nos oreilles ? Une alternative. Une bande FM qui ose. Des animateurs volontaires. Des imports. Et Internet à la fin, pour nous sauver, faire grossir la production indépendante et qui sait, secouer les gros labels pour qu’ils arrêtent de nous gaver de musiques paresseuses.

À en juger par ce qui passe encore sur nos ondes, 25 ans plus tard c’est quand même pas gagné.

PIL#143 A Quarter-Century Old