High Fidelity

Parmi les habitudes que j’ai perdues, il y en a une qui me touche plus particulièrement : écouter de la musique. Ça ne s’est pas fait du jour au lendemain, mais la vie de bureau (tellement confortable pour plein de choses) rend le port du casque beaucoup moins acceptable socialement. Quand tu n’as qu’une seule personne en face de toi toute la journée, c’est un peu délicat de se visser des écouteurs sur les oreilles.

Le passage à des plateformes d’écoute a aussi beaucoup changé mon rapport à la musique. Au début pour le meilleur, en me donnant accès à tout ce que je voulais écouter. Et puis, petit à petit, pour le pire, en rendant mon rapport à la musique beaucoup plus diffus. Je suis devenu un peu prisonnier de ce que la machine me proposait à écouter, et comme cette machine n’est finalement pas très douée pour ça, j’ai peu à peu abandonné. Concevoir des listes de lecture était un bon moyen de lutter contre ça, mais ça fait un moment que je n’en ai plus vraiment le temps.

Bien avant ça, je pouvais compter sur quelques personnes de qualité, dont les préférences musicales étaient assumées. C’est comme ça que j’ai passé des jours entiers à discuter de certains disques avant de les écouter, et autant de jours à écouter des disques pour me les approprier. Mes propres goûts ont été en grande partie formatés par ces personnes merveilleuses, mais notre capacité à échanger sur la musique a suivi le même chemin que ma capacité à écouter de la musique.

Le manque étant constaté, la difficulté consiste à changer de comportement. À redécouvrir ma musique, mes disques, mes artistes (notez le possessif insistant). C’est une première étape nécessaire, mais le risque est fort de virer vieux schnock bloqué sur un style ou une période figée. Il faut aussi retrouver des partenaires d’écoute, des gens pour me pousser à aller vers des choses nouvelles. Des gens à qui je peux dire qu’ils ont des goûts de merde, tout en me les appropriant fissa. Au minimum, me pousser un peu à parler de musique en gardant l’esprit ouvert. La grande vertu de la démarche, c’est que ça me force à reconsidérer ma propre collection, mes propres standards. À aller chercher des morceaux oubliés, et chercher à oublier certaines certitudes.

Le défi, c’est de trouver des gens qui veulent bien jouer[1] avec moi.

Note

[1] Comme j’aime bien la difficulté, j’ai redéfini mes règles du jeu.

Commentaires

1. Le lundi, mai 17 2021, 11:55 par Matoo

J’ai aussi vachement gagné en sérendipité avec la musique en ligne, mais perdu comme toi sur les us d’antan. ;) Malgré tout je persiste avec des playlists, et je compose des trucs totalement anachroniques et biscornus mais qui me touchent beaucoup. :D