Promis, ça ne sortira pas d'Internet

jeudi, novembre 26 2009

Cogito Argot Sum

Coq, Rheinfelden - Herten, Allemagne, juillet 2009

[Certains se sont sentis trahis par la tournure linguistique d’hier. Dont acte.]

– Sauvage, t’as une binette à caler les roues d’un corbillard ce matin.
– À ce point là ? Tu serais pas encore en train de cherrer dans le mastic toi des fois ?
– Nan je te jure, t’as les yeux bordés d’anchois et t’es coiffé à la va comme je te pousse.
– Bon ok je suis un peu dans la résine, mais sa race je me lève quoi !
– Bah, tu sais bien que je suis vicieux comme un cheval borgne, vas pas le prendre de travers non plus.
– Allez je m’doute bien qu’j’ai pas l’air frais ; j’te fais marcher, cresson de pisson.
– Un coup de flotte et tout sera aux petits oignons mon rupin.
– Voilà qu’il me passe la main dans le dos maintenant. Tu me prends vraiment pour un lapin de six semaines…
– Loin de moi l’idée. Cela dit, tu pourrais m’avancer ? Je suis en galère de thunes.
– Même pas en rêve. Bon allez je file, je suis à la bourre encore.
– Déconne pas, je fais comment moi si je veux m’en jeter un petit?
– Tu fais pas, t’as plus qu’à compter les clous de la porte en attendant ce soir. Allez salut!

mercredi, novembre 25 2009

Outta nowhere

Varan, Parc du Lumphini, Bangkok, octobre 2009

Resignation is the little death that brings total obliteration of the mind. Learn German // Oh shit, there’s like a billion new songs in my playlist. Press play // What’s that on the shelf? Oh, my camera. // A hundred pages in a week is not enough. Let’s open that book. Or maybe I should blog about it. // Crap, beer belly. Let’s have Gin & Tonic // Stop chasing ghosts. Zombies are a lot funnier // Weekend. Copenhagen. Soon. Lille. Sooner. Berlin. Two weeks. Paris? Saturday // Real life never follows the script.

Inarticulate thoughts and a playlist. Outta nowhere.

– Mais pourquoi en anglais ?!
– Parce que vraiment l’allemand, c’est pas encore ça.

mardi, novembre 24 2009

Fous ta cagoule

Camera de vidéo-surveillance, Bundestag, Berlin, avril 2009

L’avantage d’être en mission en Suisse, c’est qu’on capte la radio française. Ça me permet de rester un poil au fait de ce qui se passe, notamment dans nos banlieues. Aujourd’hui donc, on pouvait entendre notre représentant suprême parler de non régularisation de sans-papiers, de délinquants (non élus) roulant dans de grosses voitures avec des trucs bling bling, et d’un sujet cher à son compagnon de route Brice : la vidéo-surveillance.

Outre les arguments divers et variés déjà entendus et contrés intelligemment mille fois (on peut avertir un homme mille fois, mais on ne peut pas avertir mille fois…), il y avait de la nouveauté : président agacé, courroucé, tout rouge, a déclaré qu’il en avait assez qu’on méprise et tape sur les fonctionnaires (ceux-là mêmes qui manifestaient contre son gouvernement à quelques rues de là. *douce ironie*), et que tous les inconscients qui s’opposaient encore aux caméras de surveillance iraient expliquer aux profs maltraités comment une bande cagoulée peut rester impunie.

Hein comment ? Les caméras sont indispensables, sinon des gens cagoulés peuvent agir en toute impunité. Là, j’ai eu un moment de doute. J’avais très probablement mal entendu. Heureusement j’étais sur France Info, et j’ai pu réécouter ca pénard au feu suivant.

Eh bien figurez-vous, j’avais bien ouï. Contrairement à ce que vous pourriez penser, bande d’oisifs qui chaque jour sur Internet vous emparez d’une nouvelle affaire Dreyfus, mettre des caméras partout va inciter les délinquants à ôter leur cagoule. D’ailleurs presque plus personne ne se risque à la porter depuis qu’il y a un décret l’interdisant pendant une manifestation. Comme quoi voyez, nos politiques ont de la suite dans les idées.

Bref, frappé par le génie de la tournure, j’ai moi-même pensé à étendre le concept. Voyez donc :

  • Il faut mettre des consoles de jeu à disposition dans tous les CDI, afin d’inciter les collégiens à lire d’avantage.
  • Il faut distribuer plus de sucreries chez les dentistes, pour que les gens aient moins de caries.
  • Il faut supprimer toute référence à l’éducation sexuelle au collège pour que nos adolescents comprennent mieux la sexualité
  • Il faut installer plus de centrales à charbon sur le territoire pour aider à lutter contre le réchauffement climatique
  • Il faut supprimer toutes les élections au suffrage universel pour renforcer la démocratie
  • Il faut afficher des avertissements et des menaces de poursuite au début de chaque DVD acheté légalement afin de bien faire comprendre à leur possesseur que le téléchargement tue l’industrie du disque.
  • Il faut remettre du plomb dans toutes les peintures pour réduire les risques de saturnisme
  • Il faut instaurer une taxe sur tous les véhicules non-polluant pour favoriser le développement des énergies vertes

Des fois je me dis que je préfèrerais être complètement con.
Ou alors habiter dans un pays où je ne comprends rien à ce que les gens disent.

mercredi, novembre 18 2009

Obsessions

Gin & Russian Wild Berry Tonic, Berlin, juillet 2009

J’aime bien être cruel dans mes jugements musicaux. Cruel et tranché. Ça choque parfois les gens, surtout quand je commence à expliquer combien je méprise Gainsbourg, mais ça a le mérite de lancer des débats. Rien de plus ennuyeux que de se caresser le torse en tombant d’accord sur le génie musical (qui de toute façon est représenté par la trinité Homme / Keenan / Patton et le dieu Reznor) (oui il y a au moins deux instances de dieu et alors ?).

Ceci étant dit, je suis très loin d’être imperméable à la nouveauté, et il m’arrive parfois de changer d’avis ; la preuve j’écoute Pink Floyd et Chicago. D’ailleurs, selon la théorie sauvage n°341, il suffit d’écouter en boucle un album qu’on n’aime pas du tout pour finir par l’apprécier (il existe un corolaire pour le reggae, les Beattles, et les trois B, mais nous en reparlerons ultérieurement). Que celui qui n’a jamais écouté Avril Lavigne toute une journée me jette le premier caillou. Ouch. Aïe. Hé ! Stop, ça suffit, j’ai compris !

Bon, mais malgré tout, si on est sérieux deux minutes, quand on n’est pas obligé de se forcer à écouter un CD pour l’aimer, c’est quand même autre chose. Théorie sauvage n°267 : certaines chansons sont tellement bonnes qu’elles te sautent à la figure et te dévorent les tympans au moment où tu appuies sur lecture. T’as beau être chez un client hyper sérieux, habillé en costard et tout, tu peux pas t’empêcher de faire de l’air-guitar sur ton clavier et tordre des fesses sur ton fauteuil en cuir. Certains vont même jusqu’à faire du voice-guitar, tiki-ouaaa-ouah-tiki-ouah-wah-tiki-tiki-tiki. (Bulls on Parade, bande de loutres !)

Si on combine les deux théories, on en arrive à une loi générale, illustrée par le scénario suivant : tu mets le disque dans le lecteur à 14h03, en revenant de chez ton dealer de musique habituel, et là bâm, il est 23h37 et c’est toujours le même disque qui tourne. Pire, t’as fais repeat-1 à 14h05 et t’as écouté qu’une seule chanson depuis (laisse-moi te dire, t’as raté) (ah et y’a ton voisin qui sonne, il commence à criser) (t’as encore poussé le volume à 11).

Cette loi, jeune lecteur (tout le monde est jeune maintenant que je suis vieux, t’entends ?), c’est la loi sauvage n°378, dite de l’obsession compulsive : toute chanson jouée plus de trois fois de suite finira à terme par pourrir tes statistiques last.fm, agacer profondément toute personne se trouvant dans la même pièce que toi, faire fuir l’être aimé, te faire perdre ton travail, faire sortir les mauvais numéros du lotto et faire hurler les loups à la mort.

Et accessoirement, elle finira dans la playlist de la semaine : obsessions

dimanche, novembre 15 2009

30 ans

Teufelsberg, Berlin, juillet 2009

Trente ans et tu regardes le papier peint vieillir
Trente ans et tu veux toujours t’éblouir
Dans des nuits si longues que les jours devaient rétrécir
Trente ans et oui tu ne les as pas vu venir
Trente ans c’est peut-être le moment de s’enfuir

T’étais partant disais-tu dans un sourire
Pour tes trente ans de brûler tes souvenirs
Trente ans ne laisse plus le canapé t’engloutir
Trente ans n’attends plus que l’on vienne t’attendrir
Redeviens touchant comme quand tu voulais tout détruire

C’est entêtant ce temps qui passe sans prévenir
Tant de mésententes et tant de causes perdues
Tant de mésaventures dans de petites préfectures
Tant pis pour les victoires et tant mieux pour les défaites
De toute façon on a toujours l’air aussi bête

mercredi, novembre 11 2009

No strings attached

Lignes à haute tension, autoroute A13, France, août 2009

La semaine dernière j’étais un poil décalé, horairement parlant. Et pas trop d’humeur à me mettre la pression non plus, vingt-quatre heures après mon retour du pays du sourire. Là ça va déjà beaucoup mieux : il fait moins douze, j’ai la crève depuis trois jours, et il reste une feuille sur l’arbre en bas de chez moi.

Bref, tout ça pour dire qu’on va reprendre calmement, avec une petite playlist toute douce : No strings attached

- No strings, no conditions. Just sex. What do you say?
- I can’t stay the night I have a breakfast meeting.

mercredi, octobre 28 2009

La teutonique des plaques

Drapeau allemand et fronton du Reichstag, Berlin, avril 2009

Cette semaine on fête halloween. Du coup je me suis dit qu’il était de bon ton de vous faire un petit peu peur. Et quoi de mieux pour ça qu’une playlist tout en allemand, mmh ?

Vous n’êtes pas effrayés ? Ne vous en faites pas, ce n’est que la première d’une série. Mais comme je suis gentil je vous les partagerai au compte goutte, promis.

Allez c’est parti, la terre tremble avec la teutonique des plaques - Neue Deutsche Härte :

- Mais au bout de trois ans à Berlin tu parles un peu allemand quand même ?
- Gar nicht.

mercredi, octobre 21 2009

Twelve Songs

Coucher de soleil, Ostkreuz, Berlin, octobre 2009

En novembre il pleuvait, et tout le monde était surpris. L’orage grondait encore.
En décembre il souriait, et tout le monde était beau. Paris scintillait dehors.
En janvier il neigeait, et elles ont débarqué. Berlin s’est réchauffée.
En février il essayait, et elles minaudaient. Ailleurs la terre tremblait.
En mars il gelait, mais ça allait. Plus ou moins, à peu près.
En avril il rêvait, et ça le perturbait. Aujourd’hui encore, en vrai.
En mai il faisait beau, et les vacances s’annonçaient. Compte les jours, compte les nuits.
En juin il petit-déjeunait, et il buvait. Pas tous les jours, pas toutes les nuits.
En juillet il faisait chaud, et il bossait. Il était grave en pétard.
En aout il nageait, et ils chantaient. Sourires, caramel salé et Léonard.
En septembre il soufflait, comme un vent frais de fin d’époque.
Octobre déjà, et il contemple un Bouddha, loin là-bas.

Un an. Quatre saisons. Douze chansons.

mercredi, octobre 14 2009

Shameless

Poitrine ajustable, Berlin, octobre 2009

Trente. Trois-Zéro. Un peu comme en 1998, sauf que ca ne va pas déplacer les foules.

Trente, comme un prénom danois qui fait mal aux molaires quand on le prononce.

Trente. En ville c’est un peu lent, genre on passe devant une école ou une affiche écrite trop petit.

Trente fois trois-cent-soixante-cinq, environ. 10958 jours, pour être parfaitement exact et un poil agaçant.

Trente ans dans deux jours. Pour marquer le coup j’étais en quête d’un truc spécial, histoire d’avoir vécu un peu avant la date fatidique. Un truc inoubliable, inattendu et un peu sauvage. Alors je suis parti à la conquête de l’Asie, avec juste un sac à dos, une paire de jungle boots et un appareil photo.

Ah et je vous ai mis du Britney Spears dans une playlist. Et ouais. Je suis comme ca moi, shameless.

- Boy don’t try to front, I-I know just-just what you are ah-ah
- Yeah right.

mercredi, octobre 7 2009

Take Cover!

Auto-portrait cagoulé, Berlin, mai 2008

Je suis un intégriste. Un puriste. Un chieur un peu aussi. Et pourtant généralement, j’aime bien les albums live.

Prenez quelqu’un comme Thiéfaine par exemple: en concert, il a une pêche monstrueuse et une instru complètement différente. Oserai-je (il ose, le con !) dire que ses albums studio, à côté, sont musicalement chiants ? C’est planplan, c’est vieillot, c’est… culte, ok. Et je ne vous ai pas convaincu. Ben écoutez donc la version de Pulque, Mescal y Tequila au Zénith et comparez-là avec la version d’origine. Ben ouais, désolé mais ça claque pas pareil.

Donc, live, tout ça. Où voulais-je en venir. Oui da ! Les reprises. Comme je l’ai déjà dit, les reprises c’est le mal (tm). On ne peut pas rapper sur Portishead, par exemple. Im-pos-si-ble. D’ailleurs jamais je n’en écoute. Ja-mais. C’est comme découper les mots avec des tirets pour faire comprendre au lecteur qu’on articule le mot syllabe par syllabe. In-sup-por-table (de fait, ça l’est et j’arrête tout de suite).

Mais des fois vous ne savez pas que c’est une reprise, alors ça va. Cette semaine donc, je vous en propose dix. Et vous serez tous d’accord que bon, hein, on ne pouvait pas deviner tellement l’artiste d’origine n’a jamais sorti un tube. Je suis même presque sûr qu’aucun n’a de page wikipedia tiens. Everybody Take Cover!

(pssst, y’a encore des petites flèches pour toi qui refuse d’installer Spotify)

lundi, octobre 5 2009

Chroniques de l'inculture

Forêt noire dans la brume, Allemagne, septembre 2009

- Quoi tu sais pas ce que c’est qu’un Rancor ?! (G., 8 ans)

Non. De même que, bien qu’ayant vu les épisodes 4,5,6 de Star Wars au moins trois fois chacun, je ne trouve toujours pas Leia sexy. Padmé Amidala en revanche, je ne dis pas. Surtout quand elle est déguisée en Fremen sur Tatooine.

- Impossible, tu connais pas TTC ?! (C., 24 ans)

Nan j’en ai jamais acheté, je peux t’en taxer ? Bon mais des fois j’écoute de la musique de rebelle hein, t’inquiète. Tiens hier encore j’ai passé du Tchaïkovski à fond, ça a pas mal calmé mon voisin dans le métro, j’ai bien rigolé. Du coup après il a mis les filles adorent sur son téléphone pour se venger. J’ai trouvé ca mesquin mais je lui ai dit lol.

- Hein t’as pas vu 2001 l’odysée de l’espace ?! (F., 21 ans et des poussières d’étoile)

Alors non, mais c’est pas faute d’avoir essayé. Je me souviens qu’il est passé à la télé en 1997, mais je devais réviser mon bac. Après en 2001 il était sur toutes les chaines, évidemment, mais par pur esprit de contradiction j’ai préféré regarder un documentaire sur mai 68. Ah et bien sûr en 2009 j’avais résolu d’enfin combler mes lacunes, mais après deux Fritz Lang et un demi Fassbinder j’ai décidé que finalement, jouer à la xbox c’était bien aussi.

- Attends tu connais qu’une seule chanson d’Elvis Costello ?! (E., 30 ans)

Ouais mais elle fait plus de six minutes alors ca va. Et puis quoi, y’a pas de honte, la plupart des artistes ne font qu’une chanson dans leur vie, si tu réfléchis bien. Regarde, Robert Miles, Babylon Zoo, Brassens, Vincent Delerm… Y’a que les très très grands qui peuvent se permettre de faire un album entier. Genre The Cure tu vois. Ou Bananarama.

- Me dis pas que tu n’as pas vu Apocalypse Now ?! (Anonyme)

Ben les films de guerre c’est pas trop mon truc. J’ai pas vu le pont de la rivière Kwai non plus. Mais c’est pas très drôle ces films là, y’a tout le temps des gens qui meurent en écoutant des chansons des Doors. Et des militaires gradés qui font genre ils sont cultivés parce qu’ils connaissent un bout d’opéra de Wagner. Bon enfin j’ai quand même vu deux trois classiques hein. Genre Tropic Thunder. Et Bride Wars, évidemment.

jeudi, octobre 1 2009

Trans Walldorf Express

Birdy Nam Nam, Rock en Seine, Saint-Cloud, août 2009

Un appareil photo à la main et un gros sac sur le dos, il trace son chemin dans les petites rues. Juste après avoir dépassé le parvis de l’église, les gens le regardent d’un air étonné. Ils se demandent probablement pourquoi le photographe porte un costume en pleine semaine. Les mariés doivent être des gens étranges.

Il presse un peu le pas, histoire d’arriver avant qu’il ne fasse complètement nuit. Il rentre les épaules et baisse encore un peu la tête, et il n’y a plus que les phares des voitures sur sa chemise blanche pour lui éviter de se fondre complètement avec le trottoir.

- Tu marches drôlement vite, j’ai du mal à suivre

La musique déborde de son casque et éclabousse les passants. Il relève un peu la tête.

- Hi hi hi
- Qu’est-ce qu’il y a ?
- C’est rigolo, tu danses.
- Hein ?
- Ben oui regarde, tu tords les fesses en rythme, et tu dodelines la tête.
- Mais pas du tout, je marche vite c’est tout !
- T’écoutes quoi là ?

Il sort son iPod de la poche et jette un oeil à l’écran.

- Worried. C’est une chanson des Birdy.
- C’est cool. N’empêche j’avais raison, tu danses
- Non mais non, je presse le pas pour être plus vite rentré !
- tsk, mon homme danse dans la rue et c’est trognon. Et en plus il en rit !
- C’est pas ca, j’aime bien cette chanson.
- Et tu danses dessus.
- Absolument pas.
- Avec un sourire jusqu’au oreilles.
- Ça ouais, ok.
- Dans la rue.
- Et merde.

Il passe devant le bar du coin, dont le néon violet tout détraqué clignote aléatoirement dans la brume du soir. Trois grosses limousines passent un ralentisseur, l’une derrière l’autre et un peu trop vite. La lumière de leurs phares fait des sauts dans la nuit et dessine de petits carrés bleus sur sa chemise.

mercredi, septembre 30 2009

Funkalicious

Boule à facettes géante, Oslo, décembre 2007

Cette semaine on change les disques et on fait un bisou à Lisbei, parce que sans elle vous n’auriez peut-être pas de playlist aujourd’hui.

Zéro fureur, point de bourdon et à bas l’élitisme : on s’habille d’un sourire et d’un patte d’eph et on laisse tout son corps entrer en résonance avec les lignes de basse. Goûtez-moi donc ce son… mmmmh, funkalicious!

(psst; faut cliquer sur les petites flèches si t’as pas spotify)

dimanche, septembre 27 2009

Thirteen

Fresque du monument soviétique de Treptower Park, Berlin, décembre 2006

Quand j’ai ouvert les yeux, le monde avait changé.
Au milieu du mois d’août, je crois qu’il a neigé.
Il n’y avait plus personne aux terrasses des cafés
Et tous les magasins étaient fermés.
On aurait dit la guerre, ou bien un jour férié
Sans repas de famille et sans électricité.
Il n’y avait rien à faire
Et rien n’a été fait
Il n’y avait rien à faire
Incroyable mais vrai.

J’ignore la date exacte. C’aurait été difficile de toute façon ; tout s’est passé au milieu d’un brouillard indéfinissable. Dès le départ je pouvais dire exactement comment et avec qui ça allait se finir, mais il m’a fallu attendre quelques mois pour oser en parler. Quand l’automne est arrivé, le rideau était déjà tombé. J’ai fêté mon anniversaire dans un village allemand, avec pour seul horizon le mur de ma chambre d’hôtel.

Je me revois ensuite flotter complètement à côté de mes pompes, en plein mois de décembre. M’avalant film sur film sur film au cinéma de Boulogne. Refaisant ma garde-robe et essayant tant bien que mal de garder un semblant d’entrain en société. Et puis je me rappelle de cette soirée à l’assassin, où entouré de trois d’entre elles je me suis senti vraiment bien pour la première fois depuis longtemps.

Il y a eu Noël, au milieu d’une série de fuites en avant. Il y a eu le réveillon, et lui qui m’a sauvé la vie. Et puis il y eu cette inconnue qui m’a remis d’aplomb, un peu. C’était la première que j’embrassais, et c’était doux. C’était la dernière, aussi, mais c’est la vie. A la fin du mois de janvier il a neigé et je buvais du café.

Mars, avril, mai, juin, juillet, août et c’est déjà septembre. Le rideau s’ouvre, et les feuilles tombent.

Quand j’ai ouvert les yeux, le monde avait changé.
Au milieu du mois d’août, zéro degré.
Il y avait un grand feu dans la rue d’à-côté,
Apparemment les gens voulaient se réchauffer.
Penser à autre chose
Parler un peu de tout
Parler un peu c’est bien
Et ça ne gâche rien.

mercredi, septembre 23 2009

The Bristol Sound

Parking lot, Calgary, BC, Canada, janvier 2007

1995. Avec un an de retard, Portishead débarque dans ma lointaine caverne et Glory box tourne en boucle sur toutes les bonnes radios. Comme à peu près la moitié de la planète, ça me prend au tripes et je casse ma tirelire pour acheter l’album. N’ayant accès ni à Internet ni à un magazine de musique digne de ce nom, j’ignore tout de la mouvance trip-hop et je referme la parenthèse musicale en écoutant Smash en boucle.

1996, mon pote Antoine, toujours en avance sur l’âge des cavernes, me fait écouter Hell Is Round the Corner et me garantit qu’on n’a pas fini d’entendre parler de Tricky. Je hurle au scandale : mais qu’est-ce que c’est que cette reprise toute moche, on ne peut pas décemment rapper sur Portishead. Je boycotte donc et continue d’ignorer non seulement l’existence d’un genre musical entier, mais également l’immense contribution d’Isaac Hayes au genre en question.

1997, le même Antoine réitère avec Tricky et achète Pre-Millenium Tension, parce qu’il aime bien la pochette (ce qui est une façon tout à fait valide de découvrir de chouettes groupes, mais qui vous fera passer à côté de tous les albums de Zone Libre). Je me paie copieusement sa tête, mais comme il l’a encodé en mp3 je lui demande de me le graver sur un CD. 150 minutes plus tard (à l’époque on n’avait pas de Burn-Proof et on gravait en 1x), j’étais secrètement très heureux.

2000, une fille me fait découvrir Morcheeba et je tombe instantanément amoureux. Deux semaines et un regrettable malentendu plus tard (elle: je peux dormir chez toi ce soir? J’habite un peu loin et il est déjà 15h… / moi: pas de problème je vais crécher chez mon voisin t’en fais pas.), je plongeais corps, âme et déprime dans les bacs de mon disquaire préféré et achetais à peu près tout ce qui était, à tort ou à raison, étiqueté The Bristol Sound.

There is a crack in everything,
That’s how the light gets in.

lundi, septembre 21 2009

Unrelated

Wir wollen mehr ferien (nous voulons plus de vacances), Walldorf, Allemagne, septembre 2009

Une rame de métro blindée
Une forte odeur de cannabis en haut des escaliers
Un gars, une fille, bisous je file
Un bar vide, un cuistot barré
Une faim tenace, une foutue soif de vivre
De la musique de l’âge de pierre
Un pub plein de potes et de diagonales perdues
Des noms qui commencent tous en M, mais pas tous en fait
Des chips au vinaigre, des Big Mac façon triple Whopper
De bons conseils, une bière pour faire couler ça
Une autre, une autre, une autre, des sourires, des taxis
Des plans de quartier qui refusent de descendre
Ca va chez vous, trop belle la vie ?
Ben c’est pas la joie, elle dort chez Sophie
Les deux pieds dedans, pas fait exprès
Un type sur le trottoir, qui dégobille
Une porte rose, un code à taper
Toujours le cannabis, dans l’escalier

Un téléphone qui sonne trop tôt
Un marteleur entre les tempes
Des viennoiseries, un Red Bull, puis deux
C’est où déjà ton poissonnier?
Un métro vide, deux digicodes, pas changés
Un gars, une fille, un gars, une fille, des ailes et des p’tits monstres
Un thé, un scalp, un gros bâtard et Shosanna
Sacré bout d’fille, nan tu trouves pas ?
Deux heures d’allemand, c’est où chez toi ?
Un peu plus loin, et dix bouquins, pour presque rien
Un bar, un autre, une piqûre de moustique en pleine rue
De la mangue, de la coco, de la coriandre
Et une bière pour faire couler tout ça,
Lille-Paris sans soucis, mais on dort où le troisième soir ?
Une autre bière et des sourires, des rues qui défilent et des étages
La tour Eiffel, putain, et Montmartre, et le canal, où on se noie
Allez dégage connard, et rabats-toi
Priorité à droite, fille de gauche, la balle au centre
Mais ça seraient pas les voisins qui s’rentrent ?
Qu’il est beau ce chat, viens jouer avec moi,
Sois sympa, mords-moi les doigts

Un téléphone qui sonne encore,
Café, douche, café, télé,
Ségolène chie sur Paris, Paris qui file,
What is it? Easy like Sunday morning,
Des œufs brouillés, un peu comme eux
Un gars, une fille, une fille, un gars, une fille, et moi
Des hiragana, des katakana, et des cookies au chocolat
Une pyramide, pas un compas,
mais bon y’a l’œil alors ça va
Faudrait qu’on y aille, et un coca !
Marchons, marchons, la république attendra
Cannabis, cannabis, chuis au premier
Une grosse valoche, un court weekend
Time of my life, fenêtres ouvertes,
She’s like the wind, pied au plancher, sur les pavés
Overload sous le périph’, y’a plus d’BP
Une sieste pour faire passer
On se voit à sept heures, à huit, après
Un digicode qu’a bien changé
On s’fait des sushis? Allez Ok.
Mais qu’il est bête ce chat,
Lache donc ça, ça s’mange pas
Qui donc que v’là, c’est la smala !
Italien ? Ouais pourquoi pas.
Pizza, carpaccio, antipasti
Plat du soir et plein de truffe noire
Michou, Mike Brant, Eros Ramazzotti
Perdu deux tailles, futal sur les chevilles
Regard torturé, ça la tiraille
Joli tablettes faites au marqueur,
j’resterais bien encore une heure
Bon allez les p’tits gars, je file

Un téléphone, qui ne sonne pas,
Pas fermé l’œil, toujours comme ça
Un café, une douche, un café,
Un verre d’eau, un câlin au chat
Espèce de con tu m’manques déjà
Une ruelle sombre, relents de pisse
Ça sent l’cramé, épave, Renault 10
Et un clodo qui hurle des insanités
Je serre les dents, j’ai l’air féroce
Je fixe mon ombre, personne derrière
Traverse au rouge, dans la nuit jaune
Tape sur une caisse arrêtée au hasard
Sur le passage piéton.

Des poils de chat, des noirs des blancs
Une odeur de clope froide qui s’accroche à mon sac
Une gommette bleue collée à ma veste
Voilà la gare, voilà ma gare
Je saute dans le train, il est à l’heure.
Téléphone, il est sept plombes
Y’a un message sur mon répondeur
Roulé en boule, la gueule en quart
J’ai froid, je tremble, j’veux pas partir
Trente-trois onze, une page se tourne,
Changement de pays, changement de décor
Vendredi, mon patron est mort

mercredi, septembre 16 2009

Make it a double!

Double dose, Walldorf, septembre 2009

C’est moi ou on est mercredi aujourd’hui ? Bon alors, cette semaine je vous ai préparé une petite décoction à base de groupes que j’ai découverts dans les douze derniers mois. Je sais je sais, je suis du genre un poil à la bourre ; la semaine dernière j’ai découvert New Model Army, c’est vous dire.

Bref. Comme j’ai souvent du mal à choisir la chanson, ce coup-ci je vous en ai mis deux. Ça n’a pas nécessairement été plus simple (si ça ne tenait qu’à moi, je vous collerais les albums en entier à chaque fois), mais c’était bien fun.

Et puis ça m’a un peu rappelé cette merveilleuse émission radio, Stop ou encore, où t’avais pas besoin d’attendre minuit pour crier more more more et dont le présentateur était un peu l’idole d’une génération. Tiens je vous ai déjà dit que Billy est une marque de capotes en Allemagne ? Visiblement c’est comme ça qu’ils appellent leur truc. Un peu comme nous avec Paul quoi. Sauf que bon, Billy c’était pas un apôtre.

Allez trève de bêtises, c’est parti mon Billy. Et ce soir quand vous boirez un coup pour oublier l’été et mes vannes pourries, make it a double!

Hey bartender hit me with a double
And introduce me to that girl with the bubble

vendredi, septembre 11 2009

Koi no Mega Lover

Vigeland Park, Oslo, décembre 2007

Le sauvage est un gentil garçon. Un peu virulent par moment – il mange régulièrement du troll au petit déjeuner – mais fondamentalement attaché à la paix dans le monde. S’il était né très jolie fille, on l’aurait probablement inscrit au concours Miss France, mais voilà il est arrivé au monde dans le corps et avec l’esprit d’un mâle. Pour compenser un peu et essayer de faire en sorte que l’univers soit un peu plus juste, il adhère à des principes féministes et égalitaristes que beaucoup jugent extrêmes.

Ce type de prise de position est toujours un peu délicat à assumer en face d’une troupe de mâles alcoolisés, mais c’est le genre de lutte de tous les instants qui lui plaisent particulièrement ; il ne croit pas aux causes perdues d’avance, et c’est probablement pour ça qu’il défend le logiciel libre avec les ongles et les dents. Bref, tout sauvage qu’il est et malgré la présence d’auvergnats au gouvernement, il croit fondamentalement en l’humain.

Évidemment ca n’est pas sans lui poser de problèmes. Tenez par exemple, en primaire déjà. Ses deux meilleurs amis étaient de vraies têtes brûlées : ils grimpaient aux arbres alors que c’était interdit, avaient une collection de petites voitures impressionnante, et couraient plus vite que lui. Pour le reste des gens cela dit, il était absolument inconcevable que ce soient ses copains : ils s’appelaient Sarah et Esther.

Aujourd’hui, si vous lui demandez de vous parler des gens qu’il a rencontrés le soir précédent, il se souviendra très probablement de leurs goûts musicaux, de la couleur et la longueur de leurs de cheveux, de leur métier, et de leurs chaussures. Il a d’ailleurs une théorie personnelle sur le fétichisme du pied, selon laquelle les grands timides sont plus susceptibles que les autres de tomber dans les affres de cette délicate perversion.

Ce dont il sera parfaitement infoutu en revanche, c’est de vous dire si la fille avec qui il a débattu quatre heures pour savoir lequel de Mercurial ou de git était le mieux foutu fait du 95C ou du 85A (en dessous de ça généralement, elle vous le fait remarquer d’office, histoire de mettre derrière elle ce qu’elle estime lui manquer devant). C’est pas que ça ne l’intéresse pas dans l’absolu, juste que dans le contexte, c’était hors sujet.

Et pourtant hier à une heure trente-sept, en revenant de déjeuner, au lieu de se dire comme tous les jours: “sweet, it’s 1337 o’ clock”, son regard a accroché une paire de fesses rebondies, constaté la présence d’un string plutôt que d’une culotte, remonté le dos jusqu’à la nuque découverte, s’est perdu deux secondes dans l’onde de cheveux remontés en un vague chignon avant de se détourner pour mieux plonger dans un décolleté parsemé de tâches de rousseur.

Soixante secondes plus tard, le gentil garçon a finalement réussi à dompter le sauvage et dirigé ses yeux vers les pieds du décolleté. Talons de quinze centimètres, chaussures noires à semelle rouge. Gnnn. Fixant la moquette tachetée jusqu’à son bureau, il a ensuite descendu un grand verre d’eau fraîche. Au moment de choisir sa playlist, il a cliqué sur la première chose qui lui soit passé par la tête.

Maximum the hormones.

mercredi, septembre 9 2009

Stalker!

Mike Patton, Rock en Seine, Paris, août 2009

Aujourd’hui nous étudierons un phénomène de société plutôt répandu : le stalking. Également appelé harcèlement chez mes compatriotes, sauf qu’ils parlent quand même de stalker parce que harceleur c’est nul comme mot. C’est un peu comme si on essayait de traduire brownie, vous voyez. Ou retaliation.

Bref, toujours est-il que dans un univers parallèle au mien, il doit être considéré comme mignon de harceler les gens. Pendant des mois. Du coup, si tu ne t’arrêtes pas je vais te planter un tournevis entre les deux yeux devient probablement une charmante preuve d’affection, et tourner le dos au gens avec un petit air exaspéré constitue le summum de l’érotisme, ainsi qu’une invitation à rouler une pelle.

Visiblement dans cet univers là, les parents suivent les préceptes de Dolto à la lettre, et leurs enfants tendent naturellement à prendre le refus pour un signe d’intérêt, le désintérêt pour un signe d’affection et un hochement de tête pour une demande en mariage.

Du coup, j’imagine qu’un simple sourire peut leur déclencher des orgasmes multiples, et en un sens je les envie un peu (remarquez moi je peux pisser debout) (la belle affaire que voilà) (entre parenthèses).

Tout ça serait absolument fascinant et sans conséquence si nous n’étions qu’observateurs neutres de ce monde extérieur biaisé. La réalité, malheureusement, c’est qu’on est obligés d’ajouter d’horribles mots à la langue française pour décrire notre gêne. Avouez, c’est juste gonflant.

Bref, rôdeurs de tout poil, celle-là vous est dédicacée : Stalker!

If I speak at one constant volume
At one constant pitch
At one consonant rhythm right into your ear
You still won’t hear!
You still won’t hear…