Promis, ça ne sortira pas d'Internet

samedi, octobre 16 2010

Bangkok 16

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Pas de soupe de riz au petit-déjeuner ce matin ; ici on nous prépare oeufs, jus de fruit, pancakes et pain perdu à volonté. Et si l'envie nous prend, il y a un bar à sushis, entre autres. Malgré l'abondance, on arrive à décoller relativement tôt pour aller nous balader en long-tail boat sur les khlongs. On commence par naviguer sur le Chao Phraya, les hôtels de luxe d'un côté, un quartier populaire de l'autre. Au loin, le Wat Arun - le temple de l'aube - pointe son immense Prang vers le ciel. Le pilote nous propose de nous arrêter pour le visiter, mais L. et moi n'avons pas encore fini de digérer tout le kitsch et les Bouddhas du jour précédent. On continue donc, et on bifurque dans un canal perpendiculaire au fleuve.

Pendant deux bonnes heures, on navigue alors au milieu d'un Bangkok totalement différent. Ici les rues sont des voies navigables et les maisons sont pour la plupart sur pilotis. Pour le reste, les Sois sont tout aussi étroits, il y a tout autant de temples et de chiens galeux. Notre pilote est silencieux et, en partie grâce à l'intervention du gang des concierges par le biais duquel on a réservé le bateau, nous évite les arrêts arnaques où on se serait fait plumer pour un soda. Tranquillement affalés dans notre bateau, on découvre une autre facette de Bangkok, un peu perdue au milieu d'une jungle sauvage. Et malgré le toit en toile colorée du long-tail boat, on prend tous une teinte écrevisse en un temps record.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Fin de matinée, exit les khlongs. On nous dépose sur un quai en plein Chinatown, mais on n'a pas fait deux pas que la mousson qui nous avait épargnés jusqu'ici nous tombe dessus. On passe un bon quart d'heure à observer la lourde pluie tomber, c'est franchement hypnotique. Les Thaïs prennent un petit air amusé en voyant nos têtes, mais ne s'aventurent pas pour autant hors des abris. Un peu inconsciemment, on décide que ca va bien. Qu'on ne va pas laisser un peu d'eau se mettre sur notre chemin. Et on marche sous l'averse, qui semble se calmer. Dix minutes plus tard on est tous trempés jusqu'aux os, et on s'engouffre dans un restaurant chinois pour déjeuner et attendre que ça passe. La pièce est climatisée, il doit faire 15 degrés, mais quand on nous apporte les premiers plats on sourit comme des bienheureux.

Une fois englouties les pinces de crabe farcies à l'ail et autres délices dont le nom m'échappe désormais, on reprend notre balade dans Chinatown. Le soleil est de retour et nos vêtements sèchent vite. On se dit qu'on profiterait bien de la piscine de l'hôtel et on prend un Tuk-Tuk pour rentrer. Ceci fait, je pionce telle une grosse loutre, histoire d'être frais pour le dîner.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Mes amis étant formidables, ils ont réservé une table dans un restaurant gastronomique japonais pour fêter l'enterrement définitif de mon statut de jeune. On prend un taxi pour s'y rendre, et il se remet à tomber des cordes. Ou des hallebardes. Petit moment de panique quand la voiture doit traverser une flaque de 40cm de hauteur, mais le conducteur a l'air zen. Il nous dépose au pied de l’hôtel hébergeant le restaurant, et le décor est posé. Je ne regrette pas d'avoir pris un costume et des chaussures cirées, mais je me sens un peu pauvre malgré tout. En Europe on nous aurait probablement regardé avec dédain, ici on nous accueille avec le sourire et on nous mène vers une petite salle privative. Les serveurs et serveuses se mettent à genoux et se déplacent dessus, c'est un peu perturbant.

On commande tous un menu dégustation, et je vais de surprise en surprise en découvrant des plats et une tradition culinaire dont j'ignorais jusqu'à l'existence. Ce voyage est décidément en train de rééduquer mon palais. Arrivés au bout de nos sept plats, un majordome entre-ouvre la porte coulissante, je ne vois que sa tête. Il demande qui ici est monsieur sauvage, et - selon des sources fiables - je change de couleur. En une fraction de seconde, une centaine de situations embarrassantes défilent dans ma tête. Je bégaye une réponse, la porte s'ouvre complètement, et une partie du staff débarque dans la pièce avec un gâteau en chantant un happy birthday. Les trois autres éclatent de rire, et j'hésite entre les réprimander et les prendre dans mes bras tous ensemble. Je souris et souffle sur les bougies. En sortant, je fais une petite note discrète dans mon petit carnet : Best birthday ever. Je vous aime.

vendredi, octobre 15 2010

Bangkok 15

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Ce matin on prend un taxi avec L. pour aller visiter le Wat Pho et le Grand Palais. Pendant deux à trois heures on déambule, un peu incrédules, au milieu de bâtiments recouverts d'or, de mosaïques à rendre épileptique un daltonien et de statues de Bouddha géantes. Sauf le Bouddha d'émeraude, ou de jade, ou de jaspe je ne sais plus, qui est à la Thaïlande ce que le Manneken Pis est à la Belgique. On tourne aussi un bon quart d'heure autour du Grand Palais sans en trouver l'entrée, et tous les cent mètres un local nous explique que c'est fermé, mais qu'il nous fera faire une visite à 16h si on le souhaite. Prévenus d'avance, on continue notre petit bonhomme de chemin en souriant et en suant.

Tout ça est très impressionnant, mais on atteint rapidement le point où le bling bling prend le dessus sur l'architecture, et on sature grave. Ce qui tombe bien puisqu'on n'a pas prévu d'y passer la journée. On saute dans un taxi au hasard, direction le quai Thewet. Mais le conducteur ne parle pas un mot d'anglais, ne connait visiblement pas la ville, et ne sait pas lire une carte. On gesticule alors qu'il roule un peu au pif, ayant vaguement compris "Ayutthaya" quand on lui a désigné la rue. Au pire on se dit qu'on finira à pied, mais on suit quand même le trajet que fait notre chauffeur sur la carte qu'on a pris soin d'apporter. J'ignore comment, mais on finit par arriver au bon endroit, presqu'à l'heure pour retrouver P. et F. qui sirotent un Watermelon Juice à l'ombre.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Au bord du Chao Phraya, les gens vendent des croutons de pain en gros sachets. On nous explique que nourrir les poissons donne du bon karma, et on s'exécute. Une horde de poissons-chats transforme la surface tranquille du fleuve en un tapis vivant. Je n'ai jamais rien vu d'aussi impressionnant, et je me demande avec un brin d'angoisse ce qu'il adviendrait de moi si je tombais à l'eau. Histoire d'imiter les poissons, on se dirige ensuite vers un petit restaurant au fil de l'eau.

L'endroit est parfaitement improbable. Il nous a fallu traverser un pont de fortune à moitié inondé pour y arriver, et je me suis demandé un instant si P. savait vraiment où il allait. On passe par les cuisines pour atteindre une grande terrasse en bois. Une serveuse Katoey prend notre commande et on fait un peu les gourmands en commandant 1kg de grosses crevettes grillées, quatre poulet-cajous, un curry vert et quatre Singha géantes. Une fois le repas englouti, on hésite à commander la même chose. On fait bien de s'abstenir : il est 16h, le niveau de l'eau a monté et on doit emprunter un autre chemin pour quitter l'endroit, mettant en péril chaque planche à cause du surpoids. Et on est tous un poil pompette.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

En fin de journée on migre vers l'Amari Watergate, notre nouvelle maison cinq étoiles. On se fait surclasser en executive, ce qui nous assure une vue imprenable sur la ville et un accès exclusif et gratuit au bar tous les jours à 18h. Ça ne va pas arranger notre foie tout ça. On lance une tournée de Martini-Gin, et F. y ajoute un jus de pomme - pour le rendre buvable soit disant. P. est malade, il a dû trop manger. On dîne en comité réduit à l’hôtel, et on part se balader avec F. Deux heures plus tard, on s'arrête sur le bord de la route pour manger un khao niao ma muang - un riz gluant au lait de coco recouvert d'une tranche de mangue fraîche - en refaisant le monde.

Et croyez-moi ou non, mais une bouchée de ce dessert improvisé justifie à elle seule le voyage.

jeudi, octobre 14 2010

Bangkok 14

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Il est 8h du matin, la télé est allumée et F. regarde les informations. Je regarde par la fenêtre pour me convaincre qu’il s’est bien écoulé quelques heures, et le spectacle qui s’offre à moi par la fenêtre me coupe un peu le souffle. On descend prendre un petit déjeuner à base de soupe de riz, de piment et de pancakes ; c’est la semaine allemande à l’Asia, mais je n’ai pas trop envie de manger des saucisses de Nuremberg à plus de 8000km de Berlin, curieusement.

Alors que j’examine mon jus d’orange - probablement un liquide radioactif dans lequel on a renversé un pack de sucre - un serveur m’arrache mon assiette et mes couverts. On le regarde en faire de même avec les assiettes de tout le monde, un peu estomaqués. On demande si on peut se resservir quand même et on se moque de nous avec le sourire en confirmant que bien entendu, on peut. F. finit à peine sa deuxième assiette que le serveur lui dérobe son assiette et ses couverts. C’est décidé, on va l’appeler Terminator.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Après avoir vidé les cuisines de l’hôtel et abusé du nettoyage express de Terminator, on file voir la Jim Thomson House, à deux pas. P. et F. y sont déjà allés, mais ils font la visite quand même. Je les soupçonne d’être secrètement amoureux de la guide qui nous raconte l’histoire de ce fabuleux pilleur comme s’il était encore en vie. Visiblement, la grammaire Thaïe ne connait qu’un temps : le présent. Si on ajoute à ça qu’ils sourient tout le temps, c’est vraiment le pays du Carpe Diem.

Jim Thomson, donc, a reconstitué une mini-jungle autour d’une maison typique, qu’il a empruntée à un village, démontée et remontée ici au milieu de Bangkok. Juste à côté il y a un khlong - un canal - et la maison a son propre embarcadère. D’énormes bateau-bus passent régulièrement en lâchant une épaisse fumée noire, et je commence à comprendre pourquoi l’air est si opaque et lourd. En sortant, F. me met dans les mains un M150, version locale et non gazeuse du Red Bull. Quelque chose me dit que je vais vite devenir accro à ce truc.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

On mange au Food court, celui-là même qui nous a fermé au nez hier soir, et on profite de ce qu’on est au MBK pour acheter des vêtements pour la jungle, la semaine prochaine. On digère en se baladant sur le Sky Walk, qui longe un moment le Sky Train au dessus des rues de la ville. A côté du type qui a décidé d’ériger cette artère géante de béton au milieu de Bangkok, Haussmann fait figure de type frileux. Vu d’au dessus, Bangkok est complètement schizophrène. La haute technologie côtoie les Soïs surpeuplés, et le réseau électrique n’en finit pas de m’émerveiller. Il est encore un peu trop tôt pour boire une bière, et on finit par se jeter dans la piscine de l’hôtel.

Une heure plus tard je vois tout flou. Je commence par croire que c’est le voile de pollution qui rend le paysage laiteux et indéfini, mais de toute évidence je suis le seul concerné. Et le seul à avoir ouvert les yeux dans l’eau. Malgré tout, on se dirige vers un restaurant Thaï un peu chic et on commande la moitié de la carte. Derrière nous, quelqu’un joue d’un instrument dont le nom m’échappe ; c’est sympathique, mais on n’est pas mécontent de retrouver la rumeur de la ville à la fin du repas. On se dit qu’il est quand même un peu tôt pour se coucher, et on entre au hasard dans le bar en face de l’hôtel. Un groupe local donne un concert de furieux, reprenant des classiques du hard rock en yahourt. Après de multiples fou-rires, on retourne à l’hôtel avec des étoiles dans les yeux. Et, dans mon cas, un résidu tenace de chlore qui n’en finit pas de me défoncer la rétine.

mercredi, octobre 13 2010

Bangkok 13

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Après plus de quatorze heures d'avion, nous sommes bien arrivés à Bangkok. Rien ne ressemble plus à un aéroport qu'un autre aéroport, et pourtant... cette fois c'est différent. Ne serait-ce que parce qu'avec nos têtes, il va nous être impossible de nous fondre dans la population locale. De fait, on se fait gentiment sauter dessus dans un anglais approximatif par une horde de faux taxis qui squatte le hall. On affiche un sourire benoît, et on se dirige vers la station, à l'extérieur.

La porte s'ouvre et je me prends ma première baffe. Il est 18h45, il fait 35°C, c'est la nuit et je n'ai jamais respiré un air aussi lourd et moite de toute ma vie. Après un enregistrement et dix petites minutes, on saute enfin dans une voiture rose, et on demande au chauffeur d'activer le taxi-meter et de nous déposer à l'hôtel Asia.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Pendant le trajet on papote avec le conducteur, nos gros bagages sur les genoux. On découvre ou redécouvre la banlieue de la ville, parsemée de publicités géantes pour des pneumatiques ou pour des appartements de luxe. Au moment de payer le péage, on réalise notre première conversion mentale baht-euros du séjour ; je n'ai pas encore trop idée de ce que ça représente, mais je vais vite comprendre que j'aurais pu manger quelques repas avec cette somme.

Le taxi nous lâche à côté de l'hôtel, dont le hall ressemble à un restaurant chinois kitschissime. On nous explique que notre carte bleue n'est pas une carte de crédit, malgré le logo Visa bien visible. On était prévenu, et on insiste, mais on finira par régler en cash. On prend possession de nos chambres, en faisant un effort pour ne pas nous coucher tout de suite. La piscine nous fait de l'oeil par la fenêtre, mais il est trop tard pour piquer une tête.

Bangkok, Thailande, octobre 2009

Direction le MBK, pas trop loin. Le food court ferme, on se replie sur une fondue coréenne. P. et F. semblent un peu déçus, et on convient d'aller manger un truc dans la rue après ça. En chemin, on passe sous la structure imposante du sky train. Je sors mon appareil photo, mais il me faudra bien une heure avant qu'il ne s'acclimate à la ville : une épaisse couche de buée s'est fixée sur le verre de l'objectif. On traîne un peu dans la rue, on s'achète un Phad Thaï, des brochettes et des fruits, et on prend notre deuxième repas au coin d'une rue, assis sur un rebord en béton.

Il est un peu plus de dix heures, la ville grouille de vie. Les gens parlent fort, les voitures klaxonnent au milieu d'un embouteillage géant et un enchevêtrement de câbles électriques menace de nous tomber sur le coin de la figure. Je suis complètement perdu : je n'ai aucun repère dans cette énorme ville et bien que beaucoup de choses soient écrites en anglais, l'alphabet-nouille Thaï ne cesse de m’interpeller. J'ai hâte d'explorer un peu plus la ville, mais il serait raisonnable de dormir un peu avant. On rentre, F. allume la télé pour regarder les informations. L'image est floue et le son distant, depuis le creux de mon oreiller.

Give a Little Beat

London Bridge Station, avril 2009

Un soleil orange baigne Londres et réchauffe les vieux bâtiments. Les bords de la Tamise grouillent, tout le monde semble vouloir profiter de ce moment un peu magique. J'ai marché jusqu'ici depuis West Kensington, en faisant une pause par Hyde Park où j'ai failli mourir d'une overdose de pollen printanier. J'ai un peu mal aux pieds à force de piétiner mon moral, mais la soirée s’annonce bien.

L'ambre qui a recouvert la ville s'est évanoui d'un coup. Au pied de la station London Bridge, aux allures de prison avec sa pierre noire et sale soutenue de structures métalliques, la nuit vient de tomber. Un type au bar d'à côté vide sa pinte d'un trait, et j'ai une soudaine envie d'écouter un vieil album de Cure. Mon lecteur mp3 y coupe court, un peu ironiquement, en envoyant Wish d'Ellen Allien.

Et là, à deux pas du fleuve, je me trouve transporté sur une autre rive, les pieds dans l'eau ou quasiment. Au Watergate de Berlin, la berlinette est aux platines, mes amis sont au bar et je viens de changer d'avis sur la musique électronique. Je ferme les yeux un moment pour savourer l'instant. Quand je les rouvre, je souris en voyant le panneau Underground et je monte un peu le son.

PIL #64 Give a Little Beat

mercredi, octobre 6 2010

Don't Waste Time Doing Things You Hate

Bicyclette vandalisée, Belleville, Paris, juin 2010

J'ai hésité à appeler cette playlist "pot pourri", mais ça ne lui rendait pas justice. Elle aurait également pu s'appeler Guinness, mais je buvais de la Murphy's. Elle aurait pu n'être un clin d'oeil à personne, ou à nets et greg, pour changer, mais je vais en faire une espèce de révérence globale aux gens faisant la fermeture du Quigley's Point.

Et pour faire honneur au dernier titre, je vais aller me coucher de suite ; ça ne sert à rien d'être fatigué.

PIL #63 Don't Waste Time Doing Things You Hate

mercredi, septembre 29 2010

To Say Nothing of the Dog

Chien errant, Bangkok, Octobre 2009

Il m’aura bien fallu deux semaines pour venir à bout de Sans parler du chien, le roman de Connie Willis qui a décroché les prix Hugo et Locus en 1998. J’étais à priori tout acquis à la cause de ce livre - ne serait-ce que pour son titre - mais j’ai dû lutter pour dépasser les cinquante premières pages. Peut-être parce que je venais de dévorer deux bouquins de Robert C. Wilson en quelques nuits, et que le changement était un peu trop brutal.

Mais au final, je suis bien content de m’être accroché et d’avoir terminé Sans parler du chien. Il fait partie de ces livres qui laissent une trace, qui influent discrètement sur mes lectures suivantes, et nettement moins discrètement sur mes rêves. C’est un roman qui fait réfléchir, tout en étant finement drôle. J’en ferai très probablement une deuxième lecture un peu plus tard, histoire de faire revivre cet univers et de me prendre tous les détails qui m’ont échappés en pleine face.

Ceci étant dit, passons à un autre type de lecture et lançons Spotify:
PIL #62 To Say Nothing of the Dog

mercredi, septembre 22 2010

Staring at the Sea

Pointe de Penn Hir, Finistère Nord, août 2010

Le dos contre la falaise, je regarde l'océan se fracasser quelques mètres plus bas. Une mouette menace de me piquer mon déjeuner, le soleil est en train de me cramer le visage, pendant qu'un caillou un peu trop pointu laisse sa marque dans la poche arrière de mon pantalon. Une vague m'éclabousse et je passe ma langue sur mes lèvres pour en goûter le sel. J'aimerais bien être un de ces gros rochers, taillé à la serpe, stoïque face à l'acharnement de la mer.

Ici l'eau est verte, parfois. S'il fait trop beau elle vire au bleu, et dès l'automne elle s'habille de gris. Telle un réplique démesurée des yeux qui fixent l'horizon à côté de moi. La marée monte, et avec elle mon envie de me jeter tête la première dans un rouleau. Un nuage assombrit le ciel et je frissonne.

PIL #61 Staring at the sea

On entendait la mer, comme une avalanche sans fin, le tonnerre incessant d'un orage né d'on ne savait quel ciel. Elle ne s'arrêtait pas un instant. Ignorait la fatigue. Et la clémence.

Quand tu la regardes, tu ne t'en rends pas compte: le bruit qu'elle fait. Mais dans le noir... Toute cette infinitude alors n'est plus que fracas, muraille de sons, hurlement lancinant et aveugle. Tu ne l'étreins pas, la mer, quand elle brûle dans la nuit.

Alessandro Baricco - Océan Mer

mercredi, septembre 15 2010

Bubbles

Fleur de lotus dans un bassin, Bangkok, Thaïlande, octobre 2009

Aujourd'hui on commence la journée sur quelques notes tranquilles, parsemées de petites bulles de joie. Et on resterait bien sous la couette s'il ne fallait pas aller chercher ce train pour le bout du monde.

PIL #60 Bubbles

mercredi, septembre 8 2010

Rough patches

MISSING IMAGE

En définitive, la réadaptation au milieu parisien se passe plutôt bien. J'ai déjà croisé davantage de têtes connues dans la rue en trois mois qu'en quatre ans à Berlin, mais ça n'est pas une énorme surprise.

Ce qui en revanche est plus étonnant, c'est le nombre de gens qui proposent spontanément de l'aide dans la rue ou le métro. Depuis mon retour, on m'a aidé à porter mon four jusqu'à ma porte, on m'a spontanément donné un ticket de métro en voyant ma mine déconfite devant la machine en panne et le guichet vide, et on s'est arrêté pour me demander si tout allait bien quand je me suis pris les rollers dans un gros câble.

Histoire de ne pas perturber tout ce bon karma, je m'évertue donc à indiquer leur chemin à tous les gens perdus que je croise. Ce qui consiste essentiellement à accompagner les gens du métro à la Bellevilloise, jugez un peu la violence.

Bref, la capitale me semble bien plus humaine que quand je l'ai quittée. Ce qui n'est probablement qu'un effet secondaire de l'expatriation, j'en conviens. Et puis aussi, je suis un bisounours.

PIL #59 - Rough patches

Et pendant ce temps là, en Autriche, on fait des concours d'inhumanité avec le gouvernement français

mercredi, septembre 1 2010

Headbanger

Grues du port de Brest, août 2010

Après une bonne semaine de vacances à base d'embruns, de coups de soleil, de brume matinale persistante et de siestes, je pensais vous revenir en forme, la tête pleine de musique et l'envie de partager avec vous toutes mes découvertes. Le hic, c'est que je ne captais qu'RFM, voyez. Donc mes trouvailles datent d'avant ma naissance, et resteront tranquillement sur la bande FM. Et si un jour on invente la machine à remonter le temps, promis, je donnerai de ma personne pour aller éradiquer le mal à la racine.

Bref, jusqu'à hier soir, rien ne me motivait. Niet. Pas un seul morceau à partir duquel construire. Pour tout vous dire j'étais presque aussi déprimé qu'après une minute d'écoute de Nostalgie. Ou trente secondes de Chante France. J'ai bien essayé de la pop mignonnette, du rock sympathique, la programmation de Rock en Seine, mais rien, non rien de rien, ne m'a convaincu. J'étais tel un clown triste à écouter le tic tac du temps qui passe.

Et là boum. Alors que mon S-Bahn filait vers l'hotel, mon lecteur mp3 portatif noir préféré m'a sauvé. Il a su enchainer pas moins de six chansons qui m'ont rendu le sourire, et donné une patate énorme. Comme les coïncidences n'existent pas, je me suis dit que c'était mon destin et je suis descendu de ma rame avec cet embryon de playlist.

Alors évidemment ça ne va pas passer demain sur M-FM. Mais ca devrait vous donner une terrible envie de... Headbanger !

Si vous trouvez ça un peu court ou limite mainstream mou du genou, vous avez droit à une playlist bonus. Enfin si vous savez cliquer sur un lien quoi. C'est comme la piste cachée d'un CD, mais en plus long.

mercredi, août 18 2010

Late Afternoon Idleness

Lumière du soir sur Belleville, Paris, août 2010

Ton regard se perd, tu vises le vide avec détermination. Au loin une porte claque, une voiture cale et l'épicier joue aux dames avec un client. Les mots glissent ; parfois ils sont doux et légers, d'autres fois ils heurtent l'air de plein fouet et explosent en questionnements. Le mois d'août est frais et tu te blottis pour éviter les bourrasques.

Tout est calme, un peu trop peut-être c'est louche. Tu ramènes la couette sur ta poitrine, soupire délicatement. L'horloge avance on dirait. Dans le salon, la chaine murmure un disque de Mogwai. Tu jettes un oeil sur la pile de livres par terre en songeant qu'il te faudra bien un demi-siècle avant d'en arriver à bout.

Il est trop tôt, il est trop tard, la chambre tourne et les ombres dansent sur les murs. T'as les yeux au néant, et à rien d'autre, un vague sourire sur les lèvres et aucune envie de l'en effacer.

Quelque part, un réveil sonne.

Late Afternoon Idleness

mercredi, août 11 2010

Overdrive

Embouteillages, Bangkok, Thailande, octobre 2009

J'ai envie de faire mille choses, de voir du monde, de rouler des centaines de kilomètres sur huit roues, de coder des millions de lignes, de prendre des tonnes de photos, d'écouter de la musique nuit et jour, de partir en vacances et voir la mer, la rade, le port, ce qu'il en reste.

Mais c'est pas simple quand on est coincé dans une chambre d'hôtel avec une connexion internet en carton-pâte, alors je lis le soir et je délie du code la journée, pour compenser.

Overdrive!

mercredi, août 4 2010

Une belle fille comme toi

Ballon "air de Paris", parc André Citroën, Paris, juillet 2010

On vivait chacun à des centaines de kilomètres, soudés par des électrons libres. Et par l'adversité, un peu aussi. On cultivait notre jardin zen et nos névroses, on tournait pas mal en rond en prenant bien garde de ne pas nous regarder trop le nombril. On sautait dans les avions comme dans des flaques et on fermait un peu les yeux aux décollage pour se projeter plus vite vers l'arrivée.

Il nous manquait tous quelque chose bien sûr. Et dès que l'un partait, l'absence des autres lui brûlait un peu la gorge. Mais à deux comme à six, on rêvait en commun et ça nous faisait de jolis sourires. On avait un peu troqué nos carapaces pour de la musique, nos histoires d'amour pour des nuits blanches et une vie confortable pour des métiers usant.

Certains s'en sont allés quand d'autres revenaient, et leurs fils continuent de se croiser et s'entremêler. Malgré les tensions et les trous dans les chaussettes, on continue de tisser. Les notes virevoltent, le code a changé mais il y aura toujours une carapace bleue pour rattraper le premier s'il prend le large.

On vivait chacun à des centaines de kilomètres, comme des électrons libres, et presque rien n'a changé. La vie continue, un peu plus belle, avec eux, avec toi.

Une belle fille comme toi

mercredi, juillet 28 2010

Beats me

Peinture murale, Belleville, Paris, juin 2010

Aujourd'hui on va s'écouter de bonnes grosses percussions pour survivre au long processus de digestion. J'ai testé pour vous, ça vaut presque le café.

Beat me up

mercredi, juillet 21 2010

Moving forward

Lune dans le ciel de Paris, 14 juillet 2010

- Pfff, je dois nettoyer mon PC, c'est relou
- Il est si sale que ça ? T'as caché un jambon sous les touches ?
- Non mais je démissionne, alors je ne dois pas laisser de traces
- Tu veux que je te prête mon lance-flammes de poche ?
- T'as pas une playlist sur le thème du départ pour me motiver, plutôt ?
- Non pas encore mais ça doit pouvoir se faire attends.

Encore une sacrée affaire que voilà : Farewell

- Bon ben j'ai fini, je rentre. Hop, deux mois de vacances !
- Sois maudit virgule ENFOIRÉ !

(mais profite bien quand même)

mercredi, juillet 14 2010

Genèse

Gargouille, Basilique du Sacré-Coeur, Montmartre, Paris, juillet 2010

Le 8 juillet 2009 à 21h26, je partageais avec vous ma première playlist. Ça n'était pas vraiment réfléchi, j'avais bien aimé le concept chez Utena et je voulais m'y essayer, pour voir.

Étonnamment, ça m'a tout de suite beaucoup amusé. Allez savoir pourquoi, je n'avais jamais pris le temps de faire une playlist avant ça, la lecture aléatoire sur ma collection étant généralement satisfaisante (les puristes qui n'écoutent que des albums entiers et dans l'ordre viennent de bondir sur leur siège ; j'avoue, je l'ai un peu fait exprès. Histoire de les taquiner). Bref, j'ai recommencé. Une semaine plus tard. Et la suivante.

Tous les mercredi, à 5h03 d'abord, puis très vite à 5h02 - probablement à cause d'une faute de frappe - je publiais une nouvelle liste, souvent courte pour rendre ça plus facile à écouter au boulot, entre deux réunions. Chaque fois je me disais que c'était la dernière, que je n'arriverais pas à trouver un thème pour la suivante. Et j'avoue que parfois, j'ai bien galéré (essentiellement parce qu'il n'y a pas de Tool sur Spotify, mais bon).

En un an, j'en ai raté deux, la première parce que je revenais de 3 semaines en Thaïlande, complètement décalé, la seconde parce que j'étais au fond de mon lit en train de délirer avec 42°C de fièvre. J'aimerais dire qu'on ne m'y reprendra plus, mais le nombre de mardi soirs passés à écrire mon texte en urgence pètent un peu les genoux à mes bonnes résolutions.

Bref. Nous sommes le 14 juillet 2010, dans un peu plus de quatre heures le ministère de la défense lancera sa grande parade sur les champs Elysées, et vous êtes en train de lire le texte du 52ème opus de la série "Play it Louder".

Comme pour la 42ème, je voulais faire quelque chose de spécial. Voici donc trente morceaux, qui représentent l'essentiel de ma préhistoire musicale. Je les ai entendus le weekend au petit déjeuner, dans la voiture sur le chemin des vacances, ou la semaine pendant que je faisais mes devoirs. Je les ai entendus craqueler quand le diamant passait sur le vinyle, pleurer quand la tête de lecture massacrait la cassette, et quasiment impeccables sur le lecteur de bandes réparé avec des pièces de légos. Je les ai entendus, plus qu'écoutés, avant même de comprendre un mot d'anglais - ou d'espagnol.

Je n'avais pas quinze ans que je les connaissais déjà par coeur, sans le savoir. J'en ai renié un paquet à l'adolescence, et certains ont toujours du mal à passer. Mais malgré tout à chaque lecture, j'ai un petit pincement au coeur et une foule d'images qui reviennent.

C'est en grande partie à cause de ça que je continue d'écouter de la musique, beaucoup de musique. Pour les petits bonheurs, les grandes joies et les beaux souvenirs. Et pour la mélancolie, aussi.

Meet the parents

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mercredi, juillet 7 2010

No future, they said.

Après la pluie, Chinatown, Bangkok, Thailande, octobre 2009

J'aime pas le punk. // Quand j'étais au lycée, j'écoutais Viva Bertaga en boucle.

J'aime pas trop le punk, en vrai. // J'ai quand même vu Ludwig von 88 en concert, une fois. C'était drôlement bien.

Non mais j'aime pas le punk. // Enfin un petit Smash de temps en temps, je ne dis pas non. Aller voir the Offspring en concert c'était pas obligé par contre, mais bon.

Cherchez pas, j'aime pas le punk. // En revanche je suis fan des Thugs. C'est peut-être parce qu'ils venaient d'Angers. Et j'aime bien les Burning Heads, mais c'est pas parce qu'ils viennent d'Orléans).

Non le punk c'est vraiment pas mon truc.

Mais plus jeune, j'aimais beaucoup Punky Brewster

mercredi, juin 30 2010

Green spleen submarine

Palmier sous une verrière, Paris, juin 2010

Je laisse au lecteur le soin de deviner pourquoi la playlist de cette semaine s’appelle Redemption.

mercredi, juin 23 2010

What goes around

Fresque murale, Belleville, Paris, Juin 2010

J’ai eu beau tenter de puiser toute l’énergie qu’il me restait la semaine dernière, je n’ai pas réussi à concocter de mélange satisfaisant à temps. Plutôt que de vous servir une playlist à moitié cuite, j’ai préféré me shooter aux antibiotiques et dormir vingt-trois heures par jour et reprendre des forces pour la suivante. Que voici.

Mais avant toute chose, je dois répondre à une gentille lectrice qui m’a demandé le thème de la liste d’aujourd’hui. Eh ben ma p’tite dame la bonne affaire que voilà… c’est un petit peu compliqué en fait. J’ai pas vraiment de mot-clé ou de ligne directrice cette semaine, juste des chansons qui m’ont touché. Après j’ai essayé d’en faire un bidule qui se tient, selon un raisonnement proche de ce qui suit.

Comme je suis encore un chouilla dans le coltard, on commence avec des guitares bruyantes pour chasser la léthargie. On rigole un coup avec les Mustasch - qui sont pourtant très sérieux. Et on reprend sur un rythme certes soutenu, mais moins saturé. Parce que ça va, on a compris merci, il faut se lever quoi.

A un moment on manque de virer un peu trop vers l’indie-rock et de se rendormir illico-presto ; c’est dangereux ces trucs là. C’est là qu’on enfourche le deux-roues avec BRMC et qu’on rêve de rejouer à Full Throttle - rien que pour éclater le nez du barman sur son comptoir une fois de plus. Ça y est je suis complètement cryptique je sens.

Là-dessus bim, Tom Waits se démonte la voix, on lève un peu les bras au ciel en montrant le blanc de l’œil et ça n’a rien à voir avec une angine ou une crise d’épilepsie, c’est juste qu’on aime un peu trop ça. C’est nouveau, il faut noter, parce que bon Tom Waits, il a fallu attendre de revoir Coffee and Cigarettes pour le découvrir, vraiment.

Pour finir en beauté, on monte à cheval en écoutant de la country - et pour pas mal de gens, ça fait un peu mal au cul mais c’est la classe alors on souffre en silence.

Coming Around